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LA REVISION

Il avait fallu douze années pour en arriver là. Il avait suffi de trois années à Voltaire pour réhabiliter Calas.

VIII

Ce grand arrêt, devenu inévitable, ne surprit personne. Il proclamait qu’il faisait jour alors que le soleil était déjà très haut sur l’horizon. Pourtant il fut accueilli avec joie par les partisans de Dreyfus, et avec satisfaction par l’immense majorité de l’opinion : il terminait irrévocablement la longue tragédie, libérait d’un lourd remords la conscience française, honorait la France devant elle-même, devant le monde. Toutes les grandes choses de l’histoire ont été voulues, poursuivies par des minorités en lutte, presque toujours, pendant des années, contre tout le reste de leur pays. Cependant le génie, l’âme historique du pays est dans cette minorité persécutée et honnie. C’est elle qui en a recueilli le dépôt, qui tient le flambeau, préserve le feu sacré. La France pouvait dire de nouveau : « Je suis le soldat du Droit. » Elle le dit et tout ce qu’il y avait dans le monde de cœurs droits et de nobles esprits applaudit à sa victoire.

Les journalistes coururent chez Mercier, chez Gonse qui refusèrent de parler ; Zurlinden seul répondit : « Je me suis toujours incliné devant la justice de mon pays. J’ai fait ce que j’ai cru être mon devoir ; je l’ai fait jusqu’au bout. L’arrêt est rendu, je m’incline[1]. »

  1. Libre Parole du 13 juillet 1906.