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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


pent aux lois ; Zola, Picquart et moi, nous sommes soustraits à nos juges naturels ; et ni Picquart ni Zola n’en trouveront d’autres, parce qu’aucun intérêt civil n’est engagé dans leurs procès[1] ; seule, la veuve d’Henry pourra réclamer des dommages-intérêts.

Waldeck-Rousseau, entendu par la commission[2], n’eut qu’un argument : « la question n’est pas de juger ou d’absoudre les actes accomplis ; il s’agit seulement de mettre les partis dans l’impuissance de faire revivre un douloureux conflit ».

Milliard lui demande à nouveau de comprendre dans l’amnistie les condamnés de la Haute-Cour : « Non, dit-il, leurs condamnations ont assuré la paix publique. »

Ainsi la paix publique est à deux fins ; pour le même intérêt, Guérin restera en prison, Déroulède en exil, et Mercier au Sénat.

Dreyfus adressa de Carpentras une nouvelle protestation à Clamageran :


Ce projet éteint les actions publiques d’où j’espérais voir sortir des révélations, des aveux peut-être, qui m’auraient permis de saisir la Cour de cassation ; il me prive de ma plus chère espérance… Je n’avais sollicité aucune grâce. Le droit de l’innocent, ce n’est pas la clémence, c’est la justice… Nul ne souhaite plus ardemment que moi l’apaisement, la réconciliation des bons Français, la fin des horribles passions dont j’ai été la première victime. Mais la Justice seule peut faire l’apaisement… L’amnistie me frappe au cœur ; elle ne se ferait

  1. Il résultait de l’arrêt de la Cour de cassation sur la première condamnation de Zola qu’il n’avait point diffamé tels ou tels officiers, mais le conseil de guerre permanent. Labori, au procès de Versailles, en avait tiré que les juges d’Esterhazy ne pourraient pas être admis comme partie civile au procès criminel. (Voir t. II, 550, 551 ; t. III, 55, 56.)
  2. 10 mars 1900.