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Journal de Bruxelles no  76

On espère que la soierie va reprendre faveur. Voilà sur quoi cette espérance est fondée : Bonaparte se trouvoit ces jours derniers, au milieu d’un cercle brillant de dames ; elles étoient toutes habillées en blanc ; toutes avoient des robes de mousselines, organdis et autres étoffes de manufacture anglaise. Le consul leur témoigne son étonnement et son déplaisir, de la préférence qu’elles donnent aux marchandises anglaises sur les étoffes de leur pays. On se regarde, on sourit, et aussitôt chacune de ses dames de commander pour cet hiver, douillettes, robes, jupons, spencers et schalls en soie. Si cette mode, vraiement patriotique, peut être suivie dans toute la France, elle peut rendre à la malheureuse et intéressante commune de Lyon, quelques jours de son ancienne splendeur ; et, pour les cœurs honnêtes, cette satisfaction vaut bien celle de porter des marchandises prohibées.

La corvette l’Enfant prodigue, arrivée tout récemment de Saint-Domingue au fort de l’Orient, aura sans doute apporté des nouvelles intéressantes de cette malheureuse colonie. Un grand nombre de bâtimens américains se chargeoient à Saint-Domingue de denrées coloniales, ce qui semble promettre que la culture y est en vigueur, au moins dans certains quartiers. Ces américains ont laissé à Saint-Domingue le germe de la fièvre jaune ; deux cents hommes de l’Enfant prodigue sont morts dans la traversée. Justement alarmée à cette nouvelle l’administration de la commune de l’Orient a interdit toute communication entre la corvette et la terre, jusqu’à ce que, d’après le rapport des officiers de santé, elle soit assurée, qu’il ne reste plus à bord aucune trace de cette affreuse maladie.

L’inaction de Massena, dans un moment où le prince Charles abandonné par les russes, est forcé de dégarnir le centre de son armée pour fortifier les extrémités, semble une nouvelle probabilité en faveur de l’armistice dont on parle depuis plusieurs jours.

CONSULAT.

Arrété du 8 Frimaire an 8 (29 novembre 1799).

Les consuls de la république, chargés spécialement du rétablissement de l’ordre intérieur,

Après avoir entendu le ministre de la police générale, arrêtent ce qui suit :

Art. I. Les arrêtés du directoire exécutif, tant individuels que collectifs, rendus en application de l’article 24 de la loi du 29 fructidor an 5, sont rapportées, en ce qui concerne les prêtres qui se trouvent compris dans l’une des deux classes suivantes :

1o. Ceux qui auroient prêté tous les sermens que les lois ont prescrits aux ministres du culte, et aux époques désignées par ces mêmes lois, et qui ne les ont pas rétractés ;

2o. Ceux qui se seroient mariés.

II. Les prêtres compris dans l’une des deux classes, et qui se trouveroient actuellement détenus, soit à l’isle de Rhé, soit à l’isle d’Oleron, seront mis en liberté, après avoir justifié de leur droit à l’une des exceptions ci-dessus déterminées, pardevant l’administration municipale dans l’arrondissement de laquelle ils se trouvent, et par des certificats authentiques délivrés par les administrations municipales des cantons où ils résidoient lorsque leur déportation a été prononcée, et visées par les administrations centrales de leurs départemens respectifs.

III. Ceux qui se seront soustraits à la déportation, justifieront de leur droit à jouir de cette disposition, pardevant les administrations centrales de leurs départemens.

IV. Les individus désignés dans l’article II, se feront délivrer par l’autorité qui aura reconnu leur droit aux exceptions déterminées article I, un acte authentique qui constate l’application qui leur en aura été faite.

V. Les administrations centrales adresseront au ministre de la police, le tableau nominatif de tous les prêtres mis en liberté ; il sera fait mention, dans ce tableau, du lieu dans lequel chacun de ces prêtres déclarera vouloir fixer sa résidence.

VI. Cet arrêté sera imprimé au Bulletin des Lois ; et le ministre de la police générale est chargé de son exécution.

Signé, Bonaparte, etc.

MINISTERE DE LA GUERRE.

Paris, le 6 frimaire an 8 (27 novembre 1799).
Le ministre de la guerre, aux généraux commandant dans les divisions militaires.

Citoyens, d’inombrables réclamations me parviennent de toutes parts sur tous les points de la république, l’administration militaire est dans un état de désorganisation totale, et les braves que vous commandez, sont par-tout à la veille de devenir la proie des premiers besoins de la vie.

Tel devoit être le résultat infaillible d’un systême d’administration vicieux dans ses principes, et corrompu dans les moyens d’exécution. Depuis mon arrivée au ministère de la guerre, je m’occupe sans relâche de réparer les maux sans nombre qu’elle a causés ; mais c’est un édifice ruiné qu’il faut relever sur des décombres.

J’y parviendrai pourtant ; car telle est la volonté d’un gouvernement ferme, qui ne s’occupe que de la prospérité et de la gloire de la grande nation, qui l’en a rendu dépositaire.

Mais l’exécution ne peut être aussi prompte que la volonté : en attendant l’établissement d’un nouveau systême, il faut pourvoir aux besoins urgens du soldat ; il faut assurer son existence, et même son bien-être. Je charge les commissaires ordonnateurs des guerres, employés dans les divisions que vous commandez, de prendre, de concert avec les administrations centrales des départemens compris dans leurs arrondissemens respectifs, des mesures provisoires pour assurer les différentes parties du service administratif.

Je leur recommande de se ménager des ressources pour tout le mois de frimaire. Veuillez les seconder de votre influence, ou des moyens d’exécution qu’ils concerteront avec vous.

J’espère que du premier au 15 nivôse prochain, nous verrons s’établir un nouvel ordre de choses, aussi satisfaisant qu’il sera durable ; et par lui la patrie commencera à s’acquitter d’une dette sacrée envers ceux de ses enfans qui ne se sont jamais écartés du chemin de la gloire, et qui ont constamment montré le plus de magnanimité et de désintéressement.
Salut et fraternité,

Le ministre de la guerre,
Signé, Alex. Berthier.

COMMISSION DU CONSEIL DES ANCIENS.

Séance du 12 Frimaire (3 décembre 1799).

Depeyre propose d’approuver la résolutions du 8 frimaire, portant prorogation du délai pour le payement des domaines nationaux.

La résolution, dit Depeyre, en généralisant les mesures qui s’appliqueront à toutes les classes d’acquéreurs en accordant un nouveau délai, en déterminant avec précision et clarté les valeurs qui seront employées en payement, donnera de grandes facilités de libération aux acquéreurs qui voudront conserver leurs acquisitions. L’on peut se flatter aussi que le plus grand nombre s’empressera de profiter du bénéfice de la loi, alors le trésor public peut compter sur d’abondantes et promptes rentrées. On en fait monter l’apperçu à 57 millions numéraire. Le ministre des finances en fait un de ses moyens, concurremment avec les subventions de guerre, pour atteindre le nouvel ordre de choses relatif au recouvrement des contributions directes, qui n’aura son exécution qu’en germinal.

La section des finances n’a vu dans la proposition des consuls, dans le systême et le plan de la résolution, que de vues d’ordre et de sagesse. Le nouveau délai accordé aux acquéreurs des domaines nationaux doit être regardé moins comme une faveur que comme un devoir. Cette classe des citoyens a lié irrévocablement son existence à celle de la république ; elle sera dans tous les tems le plus ferme soutien du gouvernement. Il