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Journal de Bruxelles no  90

Et moi, J'ai su me taire. — C'est beaucoup, chez une nation où l'on parle tant. — Mais j'ai bien fait, à ma part, cinq mille décrets par assis et levé, et presque sans y songer. — Tu n’es qu'un manœuvre. — J'ai porté plus de deux cents toasts à la l'égalité et la fraternité. — Tu n'es qu'un ivrogne.

J'ai pleuré sur les malheurs de ma patrie. — Si tu n'as rien fait pour en arrêter le cours, au lien d’être un homme, tu es moins qu'une femme. — J'ai maudit Robespierre la veille de sa mort, et j'ai déclamé contre Barras le 19 brumaire. — Tu n'es qu'un esclave.

Et toi? — J'ai fait fusiller mes ennemis, qu'en accusoit d’être ceux de l'état. — Tu es un monstre. — Je suivois les ordres. — Tu n'es qu'un bourreau.

J'ai fait de très-belles phrases sur la liberté. — Tu n'es qu'un rhéleur. — J'ai fait un beau livre sur la morale. — Tu n'es qu'un hypocrite. — J'ai fait des odes. — Tu n'es qu'un instrument à vent. — J'ai chanté les fureurs de mes complices dans mes contates. — Instrument à corde.

[ Il faut pardonner ce mauvais jeu de mots à Diogène, il sortoit du Vaudeville ]

J'ai voulut faire déclarer la patrie en danger. — Tu n'est qu'un factieux. — J'ai pris dans la révolution le rôle de Brutus. — Tu n'es qu'un histrion. — J'ai souvent dénoncé des complots. — Tu n'es qu'un délateur. — J'ai abreuvé nos ennemis d'outrages. — Tu est un lâche. — J'ai vaincu les ennemis. — Si tu n'as pas vaincu tes passions, tu n'es pas un héros; le dernier des sergents en a fait autant que toi: ôtes-toi de devant ma lanterne.

Quel est celui-ci? dit Diogène, en présentant sa lanterne devant un homme simple qui observoit en silence, et qui s'échappoit modestement dans la foule. C'est un homme, lui répondit-on, qui a su s'élever au-dessus des factions; il fut puissant sans insolence, et il supporta l'infortune avec dignité. Il a étudié les hommes ailleurs que dans l'histoire; jamais sa raison ne s'est égarée dans le vague des systèmes; il n'est ni mathématicien, ni chimiste, ni métaphysicien, ni fournisseur, ni philosophe. Modeste dans son triomphe, et généreux dans la victoire, il n'a jamais invoqué la vengeance; le mot seul de proscription lui fait horreur, et tous les malheureux ont droit à ces larmes: peu d'esprit, incapable de faire un calembourg, mais un jugement droit, coup-d'oeil juste, une pénétration admirable; il sait sur-tout vivre à cinquante ans de son siècle... A ces mots, Diogène referma sa lanterne, en s'applaudissant d'avoir trouvé un homme. Il a sans doute porté son nom à Bonaparte, et l'on espère bien que cet homme sera placé dans le jury conservateur.

Ceci déplaira peut-être à ceux qui parlent sans cesse de 25 millions d'hommes de notre république. Les hommes, il est vrai, ne manquent pas sur la terre, pour ceux qui les cherchent à Colin-Maillard; mais ils sont plus rares, quand on veut les chercher avec la lanterne de Diogène.

Ne nous donnez pas des lois, nous en avons assez; mais donnez-nous des hommes, car les hommes nous manquent; rappelez - vous sur - tout qu'on jugera votre loi par elle - même bien moins que par ceux gui doivent l’interprêter. Une constitution est comme un piédestal qu'on ne regarde pas; on ne voit que les figures qui y sont placées.

Défiez-vous sur-tout de ceux qui ont le dos courbé et les genoux usés, à force de se prosterner devant l'idole; de ces mendians, qui vous jetoient à la boue hier, et qui vous demandent aujourd'hui la charité d'une place dans le sénat; ces messieurs seroient dans l'autorité comme le rat de la Fontaine dans le fromage de Hollande. C'est un grand point, sans doute, d'écarter les mauvaises têtes; mais il faut bien se garder aussi des estomacs vides. Au commencement d'une révolution, on fait appel à ceux qui ont faim; quand on touche au terme des troubles on doit appeler ceux qui ont dîné: ont commence par recruter les ambitieux, on finit par choisir les hommes désintéressés. Choisissez sur-tout des hommes capables, par leur modération. autant que par leurs lumières, d'écarter les orages politiques, et de fermer l’abîme des révolutions. Si sur cette mer orageuse vous avez pu vous embarquer avec des furieux, songez que vous ne pouvez aborder qu'avec des sages. On commence les révolutions avec la lanterne de Desmoulins, on ne la termine qu'avec la lanterne de Diogène.


COMMISSION DU CONSEIL DES CINQ CENTS.

Séance du 26 Frimaire (17 décembre 1799).

Sur le rapport d'Arnould [ de la Seine] au nom de la section des finances, la commission prend la résolution suivante :

Art. I. A compter du premier nivôse prochain, il sera créé pour 150 millions d'inscriptions foncières sur lu masse des biens nationaux compris dans l'état annexé à la présente loi, distraction faite des biens situés dans les neuf départements réunis, et des bâtimens, maisons et usines.

II. Ces 150 millions d'inscriptions foncières seront divisées en 150 mille bulletins au porteur, de 1,000 francs chaque. Il pourra être délivre des dixièmes de bulletin, de 100 francs, également au porteur.

Le payement des bulletins s'effectuera, savoir : deux cinquièmes en numéraire, et les trois autres cinquièmes en ordonnances de l'an 5, de l'an 6 et de l'an 7, en bons d'arrérages du quart en numéraire des années 4, 5 et 6, et en bons de réquisitions faites depuis le premier germinal de l'an 7.

III. Il sera annexé à tous les bulletins des coupons d'intérêt de 60 francs chacun, payables à raison de 30 francs par semestre.

L'intérêt courra du premier du mois dans lequel les bulletins auront été délivrés.

IV. Pendant les années 8 et 9, il sera distribué, par la voie du sort, 50 mille primes de six pour cent l'an, à raison d'une prime pour trois bulletins, ou d'un titre du nombre total de 150 mille bulletins.

V. Le tirage de ces 50 mille primes s'effectuera à raison de 12,500 par trimestre.

Les bulletins auxquels échoira la prime, en jouiront pour toute l'année ou se fera le tirage.

Jusqu'à la délivrance complète des 250 mille bulletins, le tirage des primes aura lieu chaque trimestre, à raison du nombre des bulletins délivrés dans le trimestre précédent.

Indépendamment de ces primes, il est attribué à chaque tirage :

Pour chaque 25 primes, une somme de 500 francs.

Pour chaque prime complétant lé nombre de deux cents, 5000 francs.

Et pour la première et dernière primes sortie à chaque tirage, la somme de 50 mille francs.

VI. La contribution personnelle, mobilière et somptuaire demeure affectée jusqu à la concurrence de 15 millions au payement exact des coupon d’intérêt et des primes.

Ce produit sera versé dans une caisse séparée de la trésorerie national entre les mains d'une administration spéciale, au choix de la commission consulaire.

VII. Pour amortir le capital dés inscriptions foncières, créées par la présente lois, elles seront reçues pour comptant en paiement des domaines nationaux, jusqu'à concurrence de 150 millions, et jusqu’au premier vendémiaire an 9. Tout porteur pourra requérir à sa volonté pendant ce délais de la vente de tous domaine nationale par voie de soumission sur l'estimation au dernier 20 d’après le produit des baux authentiques existant en 1790, ou à défaut de baux de cette nature sur une estimation contradictoire d'expert. En conséquence la loi du 26 vendémiaire an 7 est abrogée, à dater de la publication de la présente.

VIII. Tout porteur d'inscription foncière qui sera devenu propriétaire de biens nationaux, cessera de recevoir l'intérêt de 6 pour cent à partir du semestre qui suivra celui de son acqui-