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Page:Journal des femmes (5-15), 1841.pdf/237

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JOURNAL DES FEMMES.


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N. 10. Juillet 1841.

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L’Aspirant de Marine.


Une bourgade maritime jetée au pied de la côte de Kent, honorée d’une forteresse et d’une école de navigation, semblait sourire agréablement à l’espoir de s’appeler ville un jour. Les bords de la mer n’en offraient pas de plus pittoresque à soixante milles de distance ; mais sa vraie valeur, à l’époque où le jeune aspirant Charles Stone vint y finir ses études, fut à ses yeux d’enfermer la renommée naissante de Lucy Ryan. Cette fraîche fleur marine qui entrait à peine dans son quatorzième printemps ne se doutait pas qu’elle eût pu faire l’ornement d’une grande cité : les hommes le disaient tout baut ; ses rivales agrestes l’avouaient tout bas ; elles le lui pardonnaient pourtant, car rien n’était plus retiré ni plus doux dans sa gloire que Lucy Ryan.

Bien que sa mère, humble veuve, ne sut lire couramment que dans la Bible, la poste aux lettres lui restait confiée par succession de son mari. Lucy envoyée strictement à l’école dès l’âge de six ans, tenait alors avec ordre l’emploi de son père. À chaque réclamation des habitans, marins pour la plupart, ou des voyageurs plus nombreux d’année en année, c’était Lucy qui, zélée et remplie d’une gaîté modeste, ouvrait la boîte grossière, de la forme et de la grandeur d’une boîte au sel, fermant soigneusement à clef, et clouée contre la fenêtre dans un panneau de la chambre boisée depuis le parquet jusqu’au plafond.

À l’autre extrémité du comptoir siégeait un large canapé de chêne et de jonc tressé, les bras toujours ouverts au service des voisins qui venaient tour-à-tour y dépenser une heure de causerie. Depuis l’établissement de l’hôtel de Kent, car la maison por-