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l’île mystérieuse.

Le jeune naturaliste reconnut plus particulièrement des « déodars », essences très-nombreuses dans la zone himalayenne, et qui répandaient un agréable arôme. Entre ces beaux arbres poussaient des bouquets de pins, dont l’opaque parasol s’ouvrait largement. Au milieu des hautes herbes, Pencroff sentit que son pied écrasait des branches sèches, qui crépitaient comme des pièces d’artifice.

« Bon, mon garçon, dit-il à Harbert, si moi j’ignore le nom de ces arbres, je sais du moins les ranger dans la catégorie du « bois à brûler », et, pour le moment, c’est la seule qui nous convienne !

— Faisons notre provision ! » répondit Harbert, qui se mit aussitôt à l’ouvrage.

La récolte fut facile. Il n’était pas même nécessaire d’ébrancher les arbres, car d’énormes quantités de bois mort gisaient à leurs pieds. Mais si le combustible ne manquait pas, les moyens de transport laissaient à désirer. Ce bois étant très-sec, devait rapidement brûler. De là, nécessité d’en rapporter aux Cheminées une quantité considérable, et la charge de deux hommes n’aurait pas suffi. C’est ce que fit observer Harbert.

« Eh ! mon garçon, répondit le marin, il doit y avoir un moyen de transporter ce bois. Il y a toujours moyen de tout faire ! Si nous avions une charrette ou un bateau, ce serait trop facile.

— Mais nous avons la rivière ! dit Harbert.

— Juste, répondit Pencroff. La rivière sera pour nous un chemin qui marche tout seul, et les trains de bois n’ont pas été inventés pour rien.

— Seulement, fit observer Harbert, notre chemin marche en ce moment dans une direction contraire à la nôtre, puisque la mer monte !

— Nous en serons quittes pour attendre qu’elle baisse, répondit le marin, et c’est elle qui se chargera de transporter notre combustible aux Cheminées. Préparons toujours notre train. »

Le marin, suivi d’Harbert, se dirigea vers l’angle que la lisière de la forêt faisait avec la rivière. Tous deux portaient, chacun en proportion de ses forces, une charge de bois, liée en fagots. Sur la berge se trouvait aussi une grande quantité de branches mortes, au milieu de ces herbes entre lesquelles le pied d’un homme ne s’était, probablement, jamais hasardé. Pencroff commença aussitôt à confectionner son train.

Dans une sorte de remous produit par une pointe de la rive et qui brisait le courant, le marin et le jeune garçon placèrent des morceaux de bois assez gros qu’ils avaient attachés ensemble avec des lianes sèches. Il se forma ainsi une sorte de radeau sur lequel fut empilée successivement toute la récolte, soit la