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l’île mystérieuse.

vêtements ou des couvertures. Ce n’était évidemment ni du mérinos, ni de la mousseline, ni du cachemire d’écosse, ni du stoff, ni du reps, ni du satin de Chine, ni de l’Orléans, ni de l’alpaga, ni du drap, ni de la flanelle ! C’était du « feutre lincolnien », et l’île Lincoln comptait une industrie de plus.

Les colons eurent donc, avec de bons vêtements, d’épaisses couvertures, et ils purent voir venir sans crainte l’hiver de 1866-67.

Les grands froids commencèrent véritablement à se faire sentir vers le 20 juin, et, à son grand regret, Pencroff dut suspendre la construction du bateau, qui, d’ailleurs, ne pouvait manquer d’être achevé pour le printemps prochain.

L’idée fixe du marin était de faire un voyage de reconnaissance à l’île Tabor, bien que Cyrus Smith n’approuvât pas ce voyage, tout de curiosité, car il n’y avait évidemment aucun secours à trouver sur ce rocher désert et à demi aride. Un voyage de cent cinquante milles, sur un bateau relativement petit, au milieu de mers inconnues, cela ne laissait pas de lui causer quelque appréhension. Que l’embarcation, une fois au large, fût mise dans l’impossibilité d’atteindre Tabor et ne pût revenir à l’île Lincoln, que deviendrait-elle au milieu de ce Pacifique, si fécond en sinistres ?

Cyrus Smith causait souvent de ce projet avec Pencroff, et il trouvait dans le marin un entêtement assez bizarre à accomplir ce voyage, entêtement dont peut-être celui-ci ne se rendait pas bien compte.

« Car enfin, lui dit un jour l’ingénieur, je vous ferai observer, mon ami, qu’après avoir dit tant de bien de l’île Lincoln, après avoir tant de fois manifesté le regret que vous éprouveriez s’il vous fallait l’abandonner, vous êtes le premier à vouloir la quitter.

— La quitter pour quelques jours seulement, répondit Pencroff, pour quelques jours seulement, monsieur Cyrus ! Le temps d’aller et de revenir, de voir ce que c’est que cet îlot !

— Mais il ne peut valoir l’île Lincoln !

— J’en suis sûr d’avance !

— Alors pourquoi vous aventurer ?

— Pour savoir ce qui se passe à l’île Tabor !

— Mais il ne s’y passe rien ! Il ne peut rien s’y passer !

— Qui sait ?

— Et si vous êtes pris par quelque tempête ?

— Cela n’est pas à craindre dans la belle saison, répondit Pencroff. Mais, monsieur Cyrus, comme il faut tout prévoir, je vous demanderai la permission de n’emmener qu’Harbert avec moi dans ce voyage.