Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
l’île mystérieuse.

ses recherches. Or, tout ce qui était nouveau ne pouvait l’être qu’à l’avantage de Cyrus Smith. Pourquoi Nab n’était-il pas rentré, si un espoir quelconque ne le retenait pas ? Peut-être avait-il trouvé quelque indice, une empreinte de pas, un reste d’épave qui l’avait mis sur la voie ? Peut-être suivait-il en ce moment une piste certaine ? Peut-être était-il près de son maître ?…

Ainsi raisonnait le jeune garçon. Ainsi parla-t-il. Ses compagnons le laissèrent dire. Seul, le reporter l’approuvait du geste. Mais, pour Pencroff, ce qui était probable, c’est que Nab avait poussé plus loin que la veille ses recherches sur le littoral, et qu’il ne pouvait encore être de retour.

Cependant, Harbert, très-agité par de vagues pressentiments, manifesta plusieurs fois l’intention d’aller au-devant de Nab. Mais Pencroff lui fit comprendre que ce serait là une course inutile, que, dans cette obscurité et par ce déplorable temps, il ne pourrait retrouver les traces de Nab, et que mieux valait attendre. Si le lendemain Nab n’avait pas reparu, Pencroff n’hésiterait pas à se joindre à Harbert pour aller à la recherche de Nab.

Gédéon Spilett approuva l’opinion du marin sur ce point qu’il ne fallait pas se diviser, et Harbert dut renoncer à son projet ; mais deux grosses larmes tombèrent de ses yeux.

Le reporter ne put se retenir d’embrasser le généreux enfant.

Le mauvais temps s’était absolument déclaré. Un coup de vent de sud-est passait sur la côte avec une violence sans égale. On entendait la mer, qui baissait alors, mugir contre la lisière des premières roches, au large du littoral. La pluie, pulvérisée par l’ouragan, s’enlevait comme un brouillard liquide. On eût dit des haillons de vapeurs qui traînaient sur la côte, dont les galets bruissaient violemment, comme des tombereaux de cailloux qui se vident. Le sable, soulevé par le vent, se mêlait aux averses et en rendait l’assaut insoutenable. Il y avait dans l’air autant de poussière minérale que de poussière aqueuse. Entre l’embouchure de la rivière et le pan de la muraille, de grands remous tourbillonnaient, et les couches d’air qui s’échappaient de ce maelstrom, ne trouvant d’autre issue que l’étroite vallée au fond de laquelle se soulevait le cours d’eau, s’y engouffraient avec une irrésistible violence. Aussi la fumée du foyer, repoussée par l’étroit boyau, se rabattait-elle fréquemment, emplissant les couloirs et les rendant inhabitables.

C’est pourquoi, dès que les tétras furent cuits, Pencroff laissa tomber le feu, et ne conserva plus que des braises enfouies sous les cendres.

À huit heures, Nab n’avait pas encore reparu ; mais on pouvait admettre maintenant que cet effroyable temps l’avait seul empêché de revenir, et qu’il