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DU TRAVAIL.


plus la course est longue, plus elle nous est agréable. Mais veut-on aller quelque part, c’est que la société qui se trouve en ce lieu, ou quelque autre chose est le but de notre course, et alors nous choisissons volontiers le chemin le plus court. Ce qui précède s’applique au jeu de cartes. Il est vraiment singulier de voir comment des hommes raisonnables sont capables de rester assis et de mêler des cartes pendant des heures entières. Cela montre bien que les hommes ne cessent pas si aisément d’être enfants. Car en quoi ce jeu est-il supérieur au jeu de balle des enfants ? Il est vrai que les grandes personnes ne vont pas à cheval sur des bâtons, mais elles n’en ont pas moins d’autres dadas.

Il est de la plus grande importance d’apprendre les enfants à travailler. L’homme est le seul animal qui soit voué au travail. Il lui faut d’abord beaucoup de préparations pour en venir à jouir de ce qui est nécessaire à sa conservation. La question de savoir si le ciel ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes choses déjà préparées, de telle sorte que nous n’aurions plus besoin de travailler ; cette question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l’homme des occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que, si Adam et Ève étaient restés dans le paradis, ils n’eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres hommes.

Il faut que l’homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu’il a devant les yeux, il ne se