Page:Kropotkine - La Conquête du pain.djvu/12

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timides, qui se rendent parfaitement compte des injustices régnantes, mais qui n’osent pas se mettre en révolte ouverte contre une société de laquelle mille liens d’intérêts et de traditions les font dépendre. Ils savent que la loi est inique et menteuse, que les magistrats sont les courtisans des forts et les oppresseurs des faibles, que la conduite régulière de la vie et la probité soutenue du labeur ne sont pas toujours récompensées par la certitude d’avoir un morceau de pain, et que la cynique impudence du boursicotier, l’âpre cruauté du prêteur sur gages sont de meilleures armes que toutes les vertus pour la « conquête du pain » et du bien-être ; mais au lieu de régler leurs pensées, leurs vœux, leurs entreprises, leurs actions d’après leur sens éclairé de la justice, la plupart s’enfuient dans quelque impasse latérale pour échapper aux dangers d’une franche attitude. Tels les néo-religieux, qui ne pouvant plus confesser la « foi absurde » de leurs pères, s’adonnent à quelque mystagogie plus originale, sans dogmes précis et se