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s’immobilise en quelque sorte dans son éternité statique qu’au terme d’un processus de génération spirituelle par lequel il s’actualise et dans lequel nous devons nécessairement nous insérer pour le comprendre et nous le représenter.

Les mêmes observations vaudraient à l’égard de la philosophie mégarique, où chacune des Idées, posée comme un monde fermé et achevé, sans référence à sa loi génératrice, apparaît comme un absolu sans justification. La substitution à l’Être unique de Parménide d’une pluralité d’Idées conçues sous cette forme statique a simplement pour résultat de multiplier les coups d’État d’une existence constituée sans existence constituante et les membres de cette école obéissent rigoureusement à la logique de leur système quand ils nous interdisent de circuler par la voie du discours pour aller d’une Idée à une autre. Puisque nous sommes dans le domaine de l’immobilité, nous devons y rester jusqu’au bout, et toutes les Idées doivent nous apparaître comme projetées en une sorte de vue panoramique sur l’écran de l’éternité. C’est avec raison également qu’ils transportent la même théorie dans le domaine des événements qui reproduit sur un plan inférieur l’architecture du monde des Idées. Dépourvu lui aussi de toute dimension en profondeur, ne relevant d’aucune puissance génératrice, d’aucune Idée au sens platonicien du mot, la structure de l’événement se livre à nous tout entière dans chacun des instants et s’y épuise, sans pouvoir rien engendrer et sans pouvoir résulter de rien la génération sur le plan du sensible est donc illusoire, comme le discours sur le plan de l’intelligible pour se rapprocher le plus possible de la vérité, il faut tout y projeter sur l’écran du passé le mur ne s’écroule pas, mais il est seulement vrai qu’il s’est écroulé. Toutes les difficultés complaisamment exposées dans les thèses du Parménide s’éclairent à la lumière de cette omission fondamentale d’une structure déterminante et elles se présentent inévitablement quand Idées et événements sont traités exclusivement comme des objets ou comme des choses, comme des termes situés sur le plan du donné devant un spectateur qui les contemple du dehors et assiste extérieurement au jeu kaléidoscopique de leurs combinaisons.

Le mathématicien, lui, ne supprime pas la progression du discours, mais, tout en l’acceptant et la réalisant, il ne la rend pas plus intelligible. Quand l’unité s’ajoute à l’unité, on assiste à l’apparition