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Poésie.

Dans les sentiers fangeux de la Pointe à Ménard,
Comme en un pays sûr séjourner le canard ;
La bécasse roder autour de nos fontaines,
Le lièvre, le lapin gambader dans nos plaines ;
Les timides perdrix errer sur nos côteaux,
Les pluviers abonder auprès de nos ruisseaux ;
L’allouette, en un mot, la sarcelle étrangère.
Nous attendre à la file au bord de la rivière.
Pour les petits oiseaux, j’en fais bien peu de cas ;
Les tuer sans raison, la chose ne va pas :
Ayant de tous côtés des ennemis à craindre,
Déjà par leur faiblesse ils sont assez à plaindre :
Je les trouve d’ailleurs et gentils et mignons ;
Pour tout dire en un mot, nous les épargnerons.
Mais si la grue à tort voulait entrer en guerre,
Son cou long de deux pieds ne lui servirait guère :
Ses ailes, son grand bec ne la sauveraient pas ;
Un seul coup suffirait pour la jetter à bas :
Elle verrait alors qu’elle était mal armée,
Qu’il ne s’agissait pas de combattre un pigmée.
De même le hibou, pour sa grande laideur,
Et parcequ’il n’est bon qu’à donner de la peur,
Recevrait sûrement au milieu de sa fale,
Ou bien sur sa caboche, une funeste balle.
Le butor, pour son cri propre à nous effrayer,
De la belle façon se verrait foudroyer.
La triste poule-d’eau qui prédit à la terre
L’orage, écraserait sous un coup de tonnerre.
Et puis ce sombre oiseau qu’on n’entend que de nuit,
Si je l’appercevais, serait bientôt détruit.
Enfin, tout oiseau sale et de mauvais augure,
Se verrait sur le champ déchirer la figure.
En voila bien assez, il est tems de finir :
Ce discours à la fin pourrait t’endormir.
J’oubliais cependant un être détestable,
Qu’avec grande raison l’on nomme enfant du diable.
Ah ! si ton mauvais sort, malheureux animal,
Te mettait devant moi, que tu finirais mal !
Oui, je te le proteste, une balle sifflante
Te percerait le front, bête sale et puante.
Tu n’auras pas de peine à te rendre, je croi :
Tu chéris pour le moins la chasse autant que moi,
Et de t’en voir privé te serait un supplice.
Il n’est point en effet de plus bel exercice :
Les plus fameux guerriers, en tems d’inaction,
En firent presque tous leur occupation.