Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/127

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faire venir tout ce qu’il y avait de plus rare et de plus curieux. Enfin, pour ne rien laisser en arrière, il n’y eut pas jusqu’aux simples matelots qui ne se ressentissent de ses largesses. Voilà comment l’ambassadeur et tous les Français furent trompés par cet habile ministre.

Forbin prétend, contre le sentiment du père Tachard, que Constance n’était point d’extraction noble ; qu’il était fils d’un cabaretier de Céphalonie ; qu’étant parvenu à gouverner le royaume de Siam, il n’avait pu s’élever à ce poste et s’y maintenir sans exciter contre lui la jalousie et la haine de tous les mandarins, et du peuple même. Il s’attacha d’abord au service du barcalon ou premier ministre. Ses manières douces et engageantes, un esprit propre pour les affaires, et que rien n’embarrassait, lui attirèrent bientôt toute la confiance de son maître, qui le combla de biens, et qui le présenta au roi comme un sujet dont il pourrait tirer d’utiles services. Ce prince ne le connut pas long-temps sans prendre aussi confiance en lui, mais, par une ingratitude qu’on ne saurait assez détester, le nouveau favori, qui ne voulait plus de concurrent dans les bonnes grâces du prince, abusant du pouvoir qu’il avait déjà auprès de lui, fit tant, qu’il rendit le barcalon suspect, et qu’il engagea peu après le roi à se défaire d’un sujet fidèle qui l’avait toujours bien servi. C’est par-là que Constance, faisant de son bienfaiteur la première victime qu’il immola à son ambi-