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LA NATURE.

mière station, la boue, retirée du fond de la mer, était mélangée de sable verdâtre. Dans la seconde, les globigerina, animaux microscopiques qui semblent le premier degré de l’épanouissement de la vie, étaient en nombre immense. L’habitat des gnathophansia paraît donc être une vaste province.

Le gnathophansia zoea, trouvé dans des circonstances analogues, ne diffère pas seulement par sa taille, qui est moindre, mais par la partie postérieure de son bouclier, qui est armé d’une pointe que l’on ne retrouve pas dans son plus robuste congénère.

Dans les deux espèces, le bouclier sternal est caractérisé par un rostre très-long et épineux. En outre, ce tégument est embelli par des sculptures très-curieuses, des espèces d’armoiries naturelles fort étranges. Le bouclier des crustacés analogues à l’apus de nos eaux marécageuses, à la crevette de nos côtes, est la pièce osseuse du squelette tégumentaire que l’on peut surtout considérer comme caractéristique. On ne sait pas très-exactement comment ce bouclier se forme, et par la fusion de quelles parties il est en réalité produit. L’anatomie du gnathophansia vient donner, à cet égard, d’utiles renseignements. En effet, il est facile de voir que cette pièce importante n’est formée que par un repli de la peau, qu’elle ne tient au corps que par la partie antérieure, et que tous les segments thoraciques en sont indépendants. La liberté des mouvements de la partie postérieure du corps est donc très-grande.

Les antennes, les écailles, les différents organes de la bouche offrent beaucoup de ressemblance avec ceux des lophogastres de Michel Sars, ce qui indique que les habitudes des Schizopodes sous-marins des Açores ressemblent beaucoup à celles des îles Lofoden, par des profondeurs trois ou quatre fois moins grandes.

Les pattes-mâchoires ne sont point toutes pareilles comme chez les limules. La division du travail physiologique a déjà commencé à se produire. Toutes les pattes de la région céphalo-thoracique ne sont point chargées de cumuler la triple fonction de préhension, de mastication et de locomotion. Non-seulement les pattes-mâchoires sont terminées par des appareils bifides, servant de pince, mais on rencontre de véritables pattes maxillaires, comme chez les lophogastres. La seconde de ces pattes maxillaires offre même une disposition étonnamment surprenante. Au bout de chaque maxillaire no 2, il a poussé un œil. Cette disposition semble indiquer que la nature a organisé l’animal pour vivre dans des ténèbres si épaisses qu’il faut un moyen spécial pour reconnaître la nourriture avant de la broyer. L’œil étant placé sur la dent, on comprend qu’il est difficile de mieux faire pour que l’animal voie bien clair.

Ces yeux accessoires existent dans d’autres familles déjà décrites et connues, mais ces animaux n’ayant rien de commun avec les lophogastres, ce précédent ne doit pas diminuer notre admiration pour une aussi grande merveille.

On voit que certaines pattes de ces gnathophansias sont pourvues de poils (voy. le g. gigas de dos). Cette circonstance montre que ces animaux sont pourvus, comme leurs congénères, de pattes qui leur servent à respirer plutôt qu’à se mouvoir.

La forme de la queue indique bien, en effet, que c’est en agitant cette partie du corps que l’animal progresse, et non en se servant des pattes, qui, malgré leur état constant d’agitation, sont réservées plus particulièrement à d’autres usages.

La suite prochainement.


LES PLUS GRANDS TÉLESCOPES DU MONDE.
iii. — le télescope foucault. — les plus puissantes lunettes des observatoires.

(Suite et fin. — Voy. page 277, 307.)

Le plus grand télescope qui existe, avons-nous dit, est celui de lord Rosse. Le meilleur paraît être celui de Foucault, construit par l’Observatoire de Paris et installé sous le ciel plus privilégié de Marseille. On sait que le laborieux et regretté physicien a imaginé de remplacer le métal des télescopes par du verre, ce qui diminue le prix de construction et facilite considérablement le travail. Un disque de verre, du diamètre voulu et d’une épaisseur proportionnelle, est creusé sur l’une de ses faces suivant une courbure déterminée, et forme un miroir sphérique. Par des retouches locales, longues et délicates, on amène ensuite cette courbure à l’état parabolique et à sa plus grande perfection optique ; la distance focale est raccourcie et la lumière est augmentée. On argente cette surface et l’on obtient ainsi un excellent miroir de télescope. C’est le système newtonien qui a été employé. Les rayons réfléchis par le miroir sont reçus sur un prisme, et on étudie l’image à l’aide d’un oculaire qui traverse le tube du télescope. Le miroir du grand télescope Foucault a 80 centimètres de diamètre et 4m,80 de distance focale. La longueur totale de l’instrument est de 5 mètres, le diamètre du cercle horaire est de 2 mètres. Il n’a coûté que 30,000 francs.

Il a été construit en 1864 par la maison Secrétan. Monté en équatorial et muni d’un mouvement d’horlogerie de la dernière précision, il peut être dirigé vers tous les points du ciel et suivre les astres dans leur cours. Au jugement des astronomes des différents pays qui l’ont vu à l’œuvre, c’est le meilleur des télescopes construits jusqu’à ce jour. Si certaines difficultés, dont j’ai entendu parler par Foucault lui-même, ne l’avaient pas empêché de terminer le grand télescope de 1m,20 de diamètre qu’il avait commencé à l’Observatoire de Paris, nous aurions en France un instrument véritablement hors ligne, qui rivaliserait avec celui de lord Rosse pour les grossissements dont il serait susceptible, et le dépasserait au centuple en