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Nous parlions récemment ici même de la mémorable journée du 22 août, où les savants les plus éminents de la France et de l’étranger inauguraient avec éclat l’observatoire météorologique du Puy-de-Dôme ; l’inauguration du ballon captif à vapeur de M. Giffard sera aussi une fête pour la science, car ce magnifique appareil pourra être pourvu de tous les instruments que nécessitent les observations météorologiques ; une partie de la nacelle sera disposée pour constituer un véritable cabinet de physique aérien.

Le ballon captif à vapeur pourrait trouver sa place au centre du grand parc de l’Exposition de 1878, entre le palais et le pont d’Iéna. On y circulerait tout autour par une allée, et l’enceinte qui lui serait réservée se transformerait, comme nous l’avons dit, en un lieu de repos : le visiteur y trouverait des jardins, des tentes élégantes où il serait commodément assis, il y jouirait mieux des harmonies de l’orchestre qui se fait entendre habituellement aux heures de la promenade, en certains points des expositions.

M. Henry Giffard, que ses découvertes ont fait riche, et que la fortune n’a pas détourné des grandes et belles entreprises, propose de construire à ses frais ce matériel immense. Le grand ballon captif de 1878 coûtera plusieurs centaines de mille francs, somme insignifiante, du reste, eu égard aux ressources de l’inventeur. Une œuvre si hardie et si étonnante ne manquera pas de faire honneur aux organisateurs de l’Exposition Internationale de 1878, aussi bien qu’à la Ville de Paris et à la science française.

Gaston Tissandier.


L’HERBIER DE DAUBENTON

M. H. Nadault de Buffon, avocat général à Rennes, l’un des fondateurs de la Société d’acclimatation, a adressé à M. Drouyn de Lhuys, sous la date du 30 juin, une lettre par laquelle il annonce qu’il offre à cette Société l’herbier de Daubenton. « Cet herbier, dit-il, qui a été commencé à Montbard par le collaborateur de Buffon, dans le temps où il s’occupait à sa ferme de la Bergerie de l’amélioration des prairies et de l’acclimatation des premiers mérinos, m’a été remis par Mme la comtesse de Buffon, nièce de Daubenton.

« J’estime que cet herbier, qui rappelle à la fois les travaux de Daubenton et les services qu’il a rendus à la science, sera bien à sa place dans les archives d’une Société qui s’est constamment montrée empressée à honorer sa mémoire.

« Je ne mets d’autre condition à mon offre que le désir de voir graver sur le plat de l’herbier une inscription rappelant qu’il a été offert à la Société par un arrière petit-neveu de Buffon, l’un des fondateurs de la Société nationale d’acclimatation. »


LES HAEMONIA.

La plupart des entomologistes admettent aujourd’hui le genre Haemonia, établi par Mégerle, pour désigner un certain nombre de coléoptères propres aux contrées froides ou tempérées de l’Europe et de l’Amérique du Nord. La distribution géographique de ces insectes n’est pas, comme on le voit, très-étendue ; ils ne sont pas nombreux en espèces ; mais ils ont des mœurs si singulières et si peu connues que leur histoire nous a semblé de nature à intéresser nos lecteurs.

Les Haemonia ressemblent beaucoup à d’autres coléoptères appartenant à un genre voisin, les Donades. Le mode de développement des insectes rangés dans ces deux groupes présente de frappantes analogies, et leurs larves en particulier ont entre elles les plus grands rapports. Mais tandis que les Donades, généralement ornées de brillants reflets métalliques, sont agiles, volent rapidement et s’ébattent en troupes nombreuses, pendant les beaux jours de l’été, sur les roseaux qui avoisinent les mares, les étangs et les cours d’eau, les Haemonia, au contraire, revêtues d’une livrée plus modeste, affectent une coloration uniforme qui varie du jaune pâle au jaune d’ocre ; leur démarche est indolente et leurs habitudes sont presque exclusivement aquatiques. Cependant, rien chez ces animaux ne semble indiquer le genre de vie auquel ils sont assujettis. Ils n’ont pas, comme on pourrait s’y attendre, les membres disposés pour la natation et transformés en sortes de rames ciliées susceptibles d’agir d’une manière efficace sur le milieu ambiant, mais ils ont conservé l’organisation propre aux animaux qui se meuvent sur le sol.

En étudiant avec soin les mœurs de ces insectes, on peut facilement se convaincre que la disposition de leurs membres, si extraordinaire qu’elle paraisse à première vue, répond bien à l’usage auquel ils sont destinés. Il est à remarquer en effet que, tout en vivant au sein des eaux, les Haemonia se tiennent presque constamment accrochées aux plantes aquatiques et que leur existence s’écoule sur la touffe d’herbes qui les a vu naître. Elles se transportent lentement d’une tige à l’autre, et forment souvent autour d’un même brin d’herbe des groupes serrés dont les individus se tiennent étroitement embrassés. La structure particulière des tarses dont le dernier article, celui qui porte les griffes, est arqué et très-allongé, permet à l’insecte d’envelopper la tige sur laquelle il se repose et d’y adhérer fortement. Cette existence aquatique des Haemonia ne saurait donc être comparée à celle des Dytiques et des espèces carnassières qui se déplacent facilement au moyen de leurs organes natatoires ; elle n’offre pas non plus d’analogie avec celle des Hydrophiles et autres coléoptères du même groupe qui, tout en se nourrissant de matières végétales, nagent avec rapidité et peuvent même s’élancer dans l’air et parcou-