Page:La Nature, 1877, S2.djvu/262

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varier ; elles sont allées en se compliquant et se diversifiant, par le fait même du mouvement de ramification, au moyen duquel elles n’ont cessé de s’étendre et de se développer. Au contraire, les types isolés et peu féconds, à raison même de ce défaut de plasticité, ont dû garder à peu près intacts les traits de leur physionomie antérieure, soumise aux effets d’une variabilité bien plus restreinte.

La marche que je viens d’esquisser a dû être celle du règne végétal presque entier, dès que l’on admet les lois de l’évolution ; mais elle est surtout applicable au groupe des chênes, et c’est pour cela que ceux de la flore aquitanienne, qui se rattachent à un temps où le genre lui-mème commençait à obéir à un mouvement d’expansion, ressemblent soit à nos chênes verts qui touchent aux Cerris, d’une part, aux Lepidobalanus, de l’autre ; soit au Quercus virens d’Amérique, type aujourd’hui très-isolé, qui se rapproche également des Lepidobalanus et des Erythrobalanus du groupe des aquatica, par l’intermédiaire d’une race hybride fort curieuse, le Q. heterophylla Michx. La figure 2 aidera mieux que le raisonnement à saisir le point de vue que j’ai cherché à établir.

J’ai déjà cité le Q. elæna Ung. comme ressemblant au Q. phellos et au Q. virens Ait. ; il reparaît dans l’aquitanien à Manosque, à Bonnieux et ailleurs. Les Q. divionensis Sap. et proveclifolia Sap. (fig. 2, n° 1) reproduisent le type des Q. imbricaria et laurifolia d’Amérique ; il en est de même du Q. Lyelli Hr. des lignites de Bovcy-Tracey. Le Q. larguensis Sap., de Manosque, présente des feuilles irrégulièrement lobées comme celles du Q. polymorpha Cham. et Schl., du Mexique. Le Q. Buchii Web. (fig. 2, n° 2) ressemble évidemment au Q. heterophylla Michx. et au Q. aquatiça Michx., espèces américaines dont les feuilles sont tantôt caduques, tantôt semi-persistantes. Enfin, le Q. mediterranea Ung. (fig. 2, nos 5-9), de Coumi, retrace fidèlement les traits du Q. pseudococcifera Desf., race ambiguë et jusqu’à présent imparfaitement connue, qui se place entre les Q. ilex et coccifera, qu’elle sert à relier entre eux.

Il existe encore à cette époque de nombreuses Rhamnées, des Juglandées, soit du type ordinaire, soit du type des Engelhardtia asiatiques, quelques Pomacées comparables à notre buisson ardent ou Mespilus pyracantha L., et, parmi les Légumineuses, des Cercis, des Calpurnia, des Casses, des Cæsalpiniées, des Acacia. Je dois signaler, en terminant cette revue nécessairement incomplète, une curieuse espèce de Gymnocladus que son fruit ouvert en deux valves applaties et d’une remarquable conservation range auprès du G. chinensis Baill. (fig. 5), récemment signalé aux environs de Shang-Haï. Les Gymnocladus ne comprennent d’ailleurs, dans la nature actuelle, que les deux seuls G. chinensis et canadensis, séparés par de grands espaces intermédiaires. Les types qui se trouvent dans cette situation ont généralement chance d’être rencontrés à l’état fossile ; leur disjonction actuelle étant un indice de leur ancienneté relative et de leur extension à un moment donné des âges antérieurs.

Si l’on rapproche la flore de Coumi, localité aquitanienne située dans l’ile d’Eubée, sous le 38e degré parallèle, des flores également aquitaniennes de la région de l’ambre (54° lat.), et de Bovcy-Tracey, dans le Devonshire (51° lat.), on est immédiatement frappé des ressemblances qui relient les trois localités, et qui démontrent évidemment une très-grande uniformité de conditions climatériques pour l’Europe entière, dans l’Age dont ces flores ont fait partie. Partout, les mêmes formes dominantes et caractéristiques reparaissent ; partout les masses végétales sont accentuées de la même façon, et le résultat ne changerait pas, si l’on joignait à ces dépôts dispersés aux extrémités de l’Europe celui de Manosque en Provence.

Les Séquoia, Taxodium, Glyptostrobus, parmi les Conifères ; les aunes du type orientalis et subcordata, certaines Myricées (Myrica banksuefolia Ung., M. hakeæfolia Ung., M. Iævigata Hr.) ; des Laurinées, particulièrement des camphriers, des Andromeda du groupe des Leucolthoc persistent à se montrer partout en première ligne et dominent évidemment dans les divers ensembles. Il serait pourtant inexact de croire que l’influence de la latitude fût alors de nul effet. La région de l’ambre, vers les bords de la Baltique actuelle, est la plus septentrionale de toutes les localités aquitaniennes ; les camphriers (fig. 4), qui maintenant ne végètent en plein air que sur les points les plus abrités du littoral méditerranéen, y abondent, il est vrai ; mais, d’autre part, on y remarque l’absence, jusqu’à présent absolue, des Palmiers. Il s’y montre seulement une plante à large feuille du groupe des Scitaminées, peut-être une Zingibéracée ; mais on y observe en revanche de nombreux Smilax, des pins variés du type de nos laricio, une sorte de Nerium (Apocynophyllum elongatum Hr.), plusieurs Myrsine et Leucothoe, et enfin une Rubiacée très-curieuse (Gardénia Wetzleri Hr.), reconnaissable à ses fruits et que l’on voit reparaître à Bovey-Tracey, ainsi que sur les bords du Rhin (Bonn).

Les lignites de Bovey, dans le Devonshire, marquent à peu près la limite boréale des Palmiers, lors de l’aquitanien ; cette limite coïncidait avec le 52e degré lat. M. Heer a signalé dans cette localité des vestiges qu’il rapporte sinon avec certitude, du moins avec probabilité à la spathe, hérissée d’épines à la surface, ou enveloppe protectrice de l’appareil fructificateur d’un palmier de la section dos Calamées (Palmacites doemonorops, Hr.). Il faut de nos jours aller jusque dans l’Inde ou dans l’Afrique intérieure pour rencontrer des Palmiers-Rotang à l’état spontané.

Le Sabal major se montre un peu plus au sud dans les lignites de Bonn, par 50°,45’de latitude. Ces lignites fournissent d’autres exemples de plantes vraiment tropicales, entre autres les folioles d’un Mimosa ou sensitive, plusieurs Acacia, une Aralia-