Page:La Nature, 1878, S1.djvu/191

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Italie, soit en France, soit enfin en Autriche, bien des exemples de ce qu’était la flore européenne ; nous ne pouvons tout dire à cet égard ; mais nous allons au moins saisir quelques-uns de ses traits distinctifs, ils serviront de guides et de jalons dans le voyage que nous voulons entreprendre. En établissant d’abord ce qu’étaient la végétation et le climat, nous jugerons sans peine de l’abaissement successif de ce dernier, et nous constaterons plus facilement l’élimination graduelle des formes que l’Europe possédait encore au début des temps pliocènes.

On serait tenté de croire, en s’attachant à un point de vue superficiel, que, l’Europe étant devenue continentale par le retrait de la mer et de hautes montagnes hérissant maintenant sa surface, cette configuration nouvelle de notre continent eût été la cause déterminante de l’abaissement du climat, survenu depuis ces événements. Il est difficile pourtant d’admettre qu’il en ait été réellement ainsi. En effet, une fois le phénomène accompli, le résultat n’aurait pas manqué de se produire dans toute son intensité. Si l’élévation antérieure de la température avait été uniquement due à l’influence de la mer miocène, le retrait seul de cette mer et l’apparition de très-hautes montagnes devenues bientôt neigeuses, auraient immédiatement entraîné l’altération de la température et du climat. Sans nier que des événements du genre de ceux que nous relatons aient contribué à la réalisation d’un semblable résultat, ou du moins aient eu pour effet de le rendre plus rapide et plus décisif, ce serait, nous le pensons, une grave erreur que de vouloir s’en tenir à la configuration géographique et la rendre responsable de tout. Une action localisée, quelque énergique qu’on la suppose, ne saurait suffire pour expliquer les phénomènes climatériques qui se déroulèrent pendant la période pliocène. La forme et le relief d’une contrée, la direction des chaînes de montagnes qui la divisent et des mers qui la baignent sont, il est vrai, susceptibles de déterminer la présence d’un climat plus rude ou plus clément, plus humide ou plus sec, et, s’il ne s’agissait que de variations de cette sorte, l’Europe aurait très-bien pu les éprouver tour à tour et passer des extrêmes de l’Asie centrale aux conditions égales en toute saison, parties au Japon, sans qu’il fût nécessaire, pour comprendre les transformations corrélatives de sa flore, de recourir à des causes plus générales. Mais le phénomène auquel il faut rapporter l’abaissement de la température n’a rien de particulier à l’Europe ; il n’a rien même de brusque, d’accidentel ni de passager. Nous avons signalé l’origine du mouvement dès la fin de l’éocène ; nous l’avons vu se prononcer tout d’abord avec une intensité croissante dans les régions polaires, et de là s’étendre graduellement vers le sud. Au début de l’oligocène, la végétation de la zone tempérée boréale change de caractère ; des éléments nouveaux, venus par le nord, et dénotant les premiers progrès du refroidissement s’introduisent et se propagent. Nous avons étudié les signes de cette révolution, au moyen de laquelle la différence des latitudes tend à s’accentuer peu à peu ; nous n’avons pas à y revenir, mais il est impossible de ne pas admettre, en considérant cette marche que rien n’arrête, et qui se continue avec mesure et régularité, l’influence d’un phénomène cosmique, embrassant le globe terrestre tout entier. Devant ce mouvement expansif, ayant au pôle son point de départ initial et son siège permanent, on est bien forcé de concevoir un moment où les glaces arctiques, d’abord sporadiques, puis normalement annuelles et périodiques, auront fini par devenir permanentes sur une foule de points et, une fois permanentes, n’auront cessé de prendre de l’extension et de recouvrir le sol, jusqu’au moment où elles auront donné lieu à des masses flottantes. De là, une cause certaine de refroidissement pour l’ensemble des contrées boréales, cause évidemment secondaire et consécutive, relevant d’une cause première plus générale. Si l’on combine cette action des glaces polaires avec celle qui dérive des glaciers dont l’apparition résulte de circonstances du même ordre et se rattache à la même époque, on aura saisi les deux particularités les plus saillantes auxquelles l’abaissement du climat ait donné naissance et dont le contre-coup se soit fait sentir sur l’ensemble de la végétation, dans la période pliocène.

Un temps très-long fut sans doute nécessaire pour accomplir ces changements. La mer miocène s’était déjà retirée du centre de l’Europe, le soulèvement des Alpes avait eu lieu probablement au moment où se déposèrent les couches à congéries ; pourtant la végétation gardait encore la plupart des traits qui la caractérisaient lors du miocène proprement dit. Nous allons assister à la transition d’une période vers l’autre ; mais cette transition ne s’opérera qu’à l’aide de degrés successifs, comme sous l’impulsion d’une force venant de haut et de loin, dont les effets seraient à peine sensibles, sans cesser pourtant de se prononcer et d’agir. Le bassin de Vienne, en Autriche, nous fournit à cet égard des renseignements instructifs, grâce à la disposition de plusieurs étages superposés, qu’il présente. Au-dessus de la mollasse miocène proprement dite, se place l’étage sarmatique ou à cérithes et la partie supérieure de ce dernier comprend une flore fort riche, dont les espèces caractéristiques sont identiques à celles d’Œningen. Cte  G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.

La suite prochainement. —