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nant lieu aux phénomènes des espèces disjointes.

Les sept catégories qui viennent d’être signalées et auxquelles on pourrait adjoindre facilement d’autres groupes d’une moindre importance n’ont pas coexisté simultanément en Europe ; elles ont empiété l’une sur l’autre et se sont substituées l’une à l’autre selon les temps et d’après l’influence des événements survenus qui ont tantôt favorisé leur diffusion, et tantôt ont eu pour effet de les atteindre et de les éliminer. On peut concevoir et déterminer en gros de la façon suivante la marche affectée par elles.

Dans le paléocène, coexistence des trois premières catégories et en partie au moins de la quatrième. Cela veut dire que l’on observe à la fois dans cette période des types autochthones, demeurés depuis indigènes, comme ceux du lierre, de la vigne, du laurier ; — des types spéciaux à l’Europe d’alors, mais depuis éteints : Dewalquea, Grewiopsis, etc. ; — des types éteints en Europe, mais caractérisant de nos jours encore la flore tropicale, comme les camphriers, les cannelliers, avocatiers, etc. ; — enfin des types affiliés à ceux de la flore boréale, mais présentant des caractères de section qui les assimilent à des sous-genres aujourd’hui extra-européens : il en est ainsi de la plupart des chênes et châtaigniers de Gelinden, des ormes, saules et peupliers de Sésanne.

Dans l’éocène, on retrouve ces quatre catégories : la première représentée par le laurier, le térébinthe, le gainier, les plus anciens érables, etc. ; la deuxième par divers types de Protéacées et de Myricécs, par les genres Rhizocaulon, Anœtomeria, Apeibopsis, Palœocarya, Heterocalixr, etc. ; la troisième par une foule de Cinnamomum, Ailantus, Phœnix, Dracœna, Acacia, Bombax, Aralia, etc. ; la quatrième par quelques rares Betulaster, Populus (type coriace), Microptelea, etc. — Mais il s’y joint la cinquième catégorie ou catégorie africaine, qui s’étend partout en Europe et s’y implante pour un temps très-long. Il s’y joint encore un certain nombre de types de la sixième catégorie ou catégorie américaine, dont les chênes fournissent des exemples.

Fig. 3. — Carte montrant la distribution relative des eaux marines par rapport aux lacs aquitaniens, lors de l’invasion de la mer de Mollasse en Provence.

Dans l’oligocène, les mêmes catégories continuent à se montrer ; mais la quatrième augmente d’importance, de même que la sixième et quelques types appartenant à la septième commencent à s’introduire. Le nombre et l’importance des types appartenant à ces dernières tend à s’accroître dans la période suivante, celle de l’aquitanien, pendant laquelle la prédominance est surtout acquise à la quatrième catégorie, tandis que la cinquième tend à s’éclipser graduellement.

Le même mouvement se prolonge en s’accentuant durant le miocène ; la sixième catégorie s’empare de la place que lui abandonne la cinquième successivement amoindrie ; la deuxième disparaît peu à peu, bien qu’elle soit encore représentée par les Podogonium dans le miocène supérieur.

Dans le pliocène, enfin, il n’existe plus guère que des types de la première, de la quatrième et de la septième catégorie, combinés encore avec des épaves de plus en plus clair-semées de la cinquième et de la sixième. Dans la flore européenne actuelle, il serait possible de signaler les derniers vestiges de celles-ci que comprend encore la végétation des bords de la Méditerranée : le caroubier, le myrte, l’Anagyris fœtida, le lentisque, l’euphorbe en arbre, etc., en sont des exemples que M. le professeur Martins n’a pas manqué de mettre récemment en lumière.

Après avoir marqué les effets directs ou éloignés de la configuration géographique du sol et de la nature du climat sur l’ensemble de la végétation de chaque période, il nous reste à décrire les modifications éprouvées par les plantes considérées en elles-mêmes, en tant que phénomènes purement organiques. Nous sommes conduit par la pente même du sujet à ce dernier point de vue, subjectif par rapport à l’autre, et, après avoir défini l’étendue des actions extérieures qui influent sur les végétaux et qui sollicitent leur tendance à la variabilité, nous examinerons ce qui en résulte pour la plante, c’est-à-dire les caractères et l’amplitude des changements morphologiques auxquels l’individu végétal et la race sortie de lui sont susceptibles de donner naissance.