Page:La Nature, 1879, S1.djvu/247

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bouteille, les Vertebralina en forme de bâtonnets ou les Cornuspira, en forme de spirale. Les Foraminifères à plusieurs loges seraient des Foraminifères composés, de véritables colonies de Foraminifères uniloculaires. De fait, les Nodosaires, les Dentalines, les Cristellaires, les Frondiculaires, les Flabellines, etc., représentés dans les fig. 1 et 2 qui accompagnent cet article, semblent n’être que des colonies diversement groupées de Lagena et l’on trouve entre elles toutes sortes de formes de passages. D’autre part il existe aussi tous les intermédiaires possibles entre les formes compliquées telles que les Spiroloculines ou les Quinqueloculines et les formes plus simples telles que les Triloculines, les Biloculines et les Miliolines. Ce sont donc des formes qui semblent être provenues les unes des autres par l’adjonction graduelle d’individus nouveaux aux individus primitifs, suivant des lois d’ailleurs très variables.

Quoi qu’il en soit, nous nous trouvons ici en présence d’un fait nouveau d’une haute importance. Les tests à formes si variées et pourtant si régulières des Rhizopodes, ne peuvent avoir été produits que par cette substance vivante, amorphe, homogène, semi-fluide, aux contours sans cesse changeants que nous nommons le Sarcode ou le Protoplasme. Malgré l’apparence géométrique du squelette de quelques Radiolaires, il est facile de s’assurer que ces tests n’ont rien à faire avec les lois de la cristallographie. C’est bien à l’action d’une substance vivante qu’ils doivent leur origine, nullement à un groupement mécanique. Or la substance vivante dont il s’agit n’a pas de forme, comment a-t-elle pu en donner une aux matières solides qui se déposent dans sa masse ?

Malgré les recherches tentées par Harting pour l’expliquer, on peut dire que c’est là encore un mystère qui demeure impénétrable pour nous, et qui nous montre, mieux peut être que tout autre, la différence profonde qui sépare le protoplasme des milieux chimiques ordinaires.

Là encore apparaît la diversité primitive des substances vivantes fondamentales ? Comment se fait-il que le protoplasme attire à lui en quelque sorte pour les déposer ensuite régulièrement dans sa substance, tantôt des sels calcaires, tantôt de la silice, c’est-à-dire du cristal de roche ? Comment se fait-il que d’autres fois il se borne à s’envelopper d’une simple membrane qui demeure lisse comme dans les Lagynis, les Gromies ou les Lieberkhunia, tantôt agglutine à sa surface des corps étrangers, comme cela arrive chez les Lituoles ?

Nous ne pouvons que constater et chercher. D’explication nous n’en avons pas.

Si l’on admet que la substance vivante primitive était unique et sans individualité distincte, comme on conçoit d’ordinaire le Bathybius ou le Protobathybius, il est évident que toutes ses parties étant identiques entre elles, grandissant sans cesse et se fusionnant dès qu’elles arrivent à se toucher, cette substance aurait dû finir par former une énorme masse continue, homogène dans toute son étendue. Nous ne concevons pas comment cette masse pouvait se nourrir, puisqu’il n’existait pas de matières organiques en dehors d’elle, nous ne concevons pas comment ses diverses parties ont pu arriver à s’individualiser et comment a pu naître, par conséquent, la faculté de reproduction. Nous ne concevons pas enfin comment les individus, tous semblables entre eux, de première formation ont pu acquérir des propriétés différentes, et surtout comment ces propriétés ont pu se conserver puisque la réunion dans un même lieu d’individus différents, au lieu de susciter entre eux une lutte pour l’existence et une sélection, aurait dû produire leur fusion et par conséquent le retour au type primitif.

La supposition qu’il a pu se former d’abord un petit nombre de substances vivantes primitives ne résout pas davantage le problème, puisqu’on peut répéter pour chacune de ces substances les raisonnements précédents et l’on est ainsi conduit à penser que les êtres primitifs ont dû apparaître avec une individualité déterminée, des propriétés particulières à chaque individualité et une puissance d’évolution spéciale dont les circonstances extérieures ont pu ensuite déterminer les effets. Tels les prétendus corps simples de la chimie ont apparu d’emblée avec leurs propriétés particulières, leurs affinités spéciales grâce auxquelles, sous l’influence de circonstances variées ont pu se former les innombrables composés que nous connaissons aujourd’hui. Les organismes actuels pourraient être provenus des substances vivantes primitives, comme les composés chimiques des corps réputés simples. Seulement la stabilité de ceux-ci nous permet de les isoler, tandis qu’en raison même de leur mobilité et de leur faculté de se perpétuer en conservant leurs caractères acquis, les substances vivantes semblent avoir perdu sans retour leurs propriétés initiales.

D’ailleurs, une fois l’individualité acquise, les êtres protoplasmiques à l’état isolé ne peuvent acquérir qu’une taille extrêmement petite : dès que cette taille est dépassée, l’individu se partage ; d’où cette conséquence que nous ne pouvons concevoir comment des animaux ou des végétaux de grande taille ont pu provenir de ces êtres protoplasmiques qu’en admettant qu’une multitude d’entre eux se sont groupés pour constituer ces organismes. La théorie de la descendance conduit donc à considérer les organismes supérieurs comme de véritables colonies d’êtres protoplasmiques : nous aurons à poursuivre cette vue et à en montrer toute la justesse et toute la fécondité.

Les Mycodyctium, les Foraminifères polythalames, les Radiolaires composés nous montrent les premières de ces colonies.

On ne connaît pas très bien le mode de reproduction des Foraminifères ; on est un pou plus avancé en ce qui concerne les Radiolaires, grâce aux recherches de Hertwig. À un certain moment,