place, elle fait la rencontre d’un monsieur qui lui offre 20 francs si elle consent à l’accompagner dans un hôtel. L’offre lui paraissant tentante, après une légère hésitation, elle accepte la proposition qui lui est faite et bien qu’elle fût encore vierge, elle se livre à cet inconnu qui lui donne des ressources pour plusieurs jours. Elle n’avait jamais vu de pièce de 20 fr. ; aussi cette pièce d’or qu’elle touchait pour la première fois lui semblait-elle constituer une petite fortune ; elle s’empresse de louer un petit cabinet meublé dans un garni de la rue Royer-Collard, et vit pendant quelque temps avec sa pièce d’or. Quelques jours après elle s’en va de nouveau, à la recherche d’une pièce de vingt francs ; mais cette fois elle éprouve une grande déception, la générosité du client n’allant pas au-dessus d’une pièce de 5 francs. Sa troisième tentative à la recherche d’un louis d’or est encore plus malheureuse que la seconde, puisqu’elle est arrêtée par les agents du service des mœurs au moment où elle conduisait un amateur dans un hôtel.
Dirigée sur le commissariat de police du quartier, puis emmenée à la Préfecture de police, elle passe au dispensaire de salubrité le 8 mars 1894 [1].
Il est instructif de donner un aperçu des professions qui ne sauvent pas l’ouvrière du trafic de la chair :
Professions qui donnent le plus fort contingent à la prostitution clandestine.
Domestiques |
2 681 | Polisseuses |
54 |
Couturières, lingères |
1 326 | Brocheuses |
66 |
Blanchisseuses |
614 | Employées de commerce |
64 |
Fleuristes |
207 | Giletières |
39 |
Mécaniciennes |
218 | Doreuses |
32 |
Passementières |
99 | Repasseuses |
27 |
Cartonnières |
97 | Papetières |
27 |
Modistes |
80 | Piqueuses de bottine |
20 |
Plumassières |
81 | Journalières et sans profession |
307 |
Brunisseuses |
78 | ||
Boutonnières |
77 |
Conclusions. — Telle est la situation abrégée de la femme ouvrière dans la vie moderne. Travaux pénibles et repoussants, longueur démesurée de la journée de travail (accompagnée de chômages intenses), intoxication professionnelle, déformation corporelle, tuberculose chronique, insuffisance d’alimentation, sweating-system, exploitation sur toutes ses formes. Le sort de la femme est donc pire que celui de l’homme. C’est donc sa situation matérielle qui doit attirer surtout l’attention du sociologue, du penseur, du législateur et du philosophe.
Tout ce que l’on peut dire à côté est superflu : « corruption », « im-
- ↑ La Prostitution Clandestine à Paris, par O. Commenge.