Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/281

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populations maritimes tout entières, des centaines de mille de marins dont les moyens d’existence sont déjà bien précaires. Pour vous en donner une idée, je vous citerai le port des Sables qui, armant environ 500 bateaux à raison de 4 hommes en moyenne par bateau, compte à peu près 2 000 marins. La pêche apportée par tous ces bateaux pourrait être faite par 10 chalutiers à vapeur, employant chacun 10 hommes soit en tout 100 hommes d’équipages. Donc, qu’une compagnie de 10 chalutiers à vapeur seulement vienne s’établir dans les Sables et 1 900 marins seront sans ressources. Ajoutez à cela le préjudice porté par ce fait même à toutes les professions dépendant de l’industrie de la pêche, aux industriels, aux voiliers, aux constructeurs, aux forgerons, en un mot aux fournisseurs de toutes sortes et vous serez convaincus que nous devons lutter contre l’emploi des chalutiers à vapeurs protéger notre vaillante population maritime contre les spéculations de quelques capitalistes.

À la suite de ce rapport les membres du Congrès des pêches maritimes votèrent plusieurs résolutions dont voici les deux principales :

Que lorsque le besoin en aura été reconnu par des Commissions dans lesquelles seront représentés des pêcheurs et des armateurs de pêche, des arrêtés préfectoraux interdisent suivant les dispositions de l’article 2 du décret de 1862 certaines pêches au-delà de trois milles, dans l’intérêt de la conservation et de la reproduction des poissons ;

Que l’usage du chalut quel qu’il soit, soit également interdit en dedans de trois milles.

La délégation de Trouville protesta énergiquement contre cette dernière résolution qui fut votée néanmoins à une forte majorité. Nous savons pourquoi Trouville protestait : l’intérêt local se prend volontiers pour l’intérêt général ; la chose est ancienne et commune.

II

Que pouvons-nous augurer de ces faits importants ? La campagne de résistance entreprise par les malheureux pêcheurs côtiers a-t-elle quelque chance d’aboutir à un résultat ? Nous ne le pensons pas. Il y a là un fait de transformation industrielle irrésistible : les engins de capture se sont perfectionnés en même temps que l’on simplifiait leur manœuvre par l’emploi de procédés mécaniques. Les vapeurs vont dans la haute mer exploiter des fonds sous-marins plus riches et rien ne peut arrêter cela ; c’est à peine si une réglementation peut l’atténuer.

La pêche à la vapeur avait commencé à Boulogne en 1886. Le nombre des vapeurs n’a cessé d’augmenter depuis cette époque.