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LA DOMINATION

et lui tenait doucement les poignets, elle regardait l’espace devant elle, soupirait, se croyait abandonnée, et cherchait, semblait-il, quelque autre héros qui répondit à son délire.

Un jour qu’il lui lisait son plus cher ouvrage, le livre qu’il achevait et où elle était glorifiée :

— C’est peu de chose, mon ami, dit-elle ; si j’avais raconté mon âme, si j’eusse écrit comme vous, mon cœur eût changé la face de la terre…

Et, tenant la main contre son cœur, elle s’écria, comme l’auteur même de Parsifal :

— Quelle musique cela devient !…

Pourquoi Antoine l’eut-il épargnée quand elle était là qui emplissait, qui torturait sa vie ? Le soir, lorsqu’elle entendait Madeleine jouer au piano le beau Carnaval de Schumann, fête bariolée, lourde, étincelante, où passent cent figures de la danse et du désir,