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RECHERCHES SUR LA VIE


les troubles et les désirs, puis les bonheurs, puis le réveil, et la désillusion, avec son cortège de larmes, de regrets et de désolations.

Dans le plan d’un poème sur l’amour tracé de cette manière, le XVIIIe sonnet avait sa place marquée. Il est vrai qu’arrivés à ce moment critique les poètes qui ne se sont pas proposé d’être licencieux ont la discrète habitude d’éteindre la lampe et d’attendre le lendemain. Seuls, les maîtres en poésie ont la permission de ne pas laisser de lacune dans leur récit, parce que seuls ils ont l’adresse de jouer convenablement avec la gaze et les abat-jour. Sans vouloir rappeler de trop grands noms et de trop grandes œuvres, le XVIIIe sonnet peut, en son genre, être mis à côté des pages de toutes les époques dans lesquelles le tour de force a été tenté et heureusement accompli.

Mais si les sonnets de Louise Labé, — et c’est ce qui doit nous préoccuper au début de ces recherches biographiques, — si les sonnets de Louise Labé, loin d’être des morceaux détachés tombés de sa plume sous l’impression du moment, sont au contraire comme les assises méthodiquement élevées d’un petit temple réservé au culte d’une divinité ; si plusieurs d’entre eux sont venus là pour y prendre la place marquée d’avance dans l’harmonie de la construction, alors que peuvent-ils nous apprendre des incidents de sa vie humaine et que pouvons-nous leur demander, si ce n’est ce que tout poète met de son cœur dans les créations de son esprit ?