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IX.



LE dimanche après la messe, les jeunes gens allaient au bureau de poste chercher les journaux, qui la « Minerve », qui le « Nouveau Monde ». Toujours pressés, ils semblaient chaque fois vouloir prendre la place d’assaut, heurtant l’huis à coups de pieds, se bousculant pour avoir leur tour les premiers. Le cou et le menton encerclés dans un haut faux-col droit dont les pointes lui entraient dans les joues vineuses, le vieux fonctionnaire passait par la porte privée et, lorsqu’il ouvrait, la foule s’engouffrait dans la pièce. Trois ou quatre noms étaient lancés en même temps au bonhomme qui, après s’être coiffé d’une calotte en alpaga mettait ses lunettes. Il se fâchait alors.

— Un seul à la fois, ou je ferme le guichet, criait-il d’un ton menaçant.

La Scouine se frayait un chemin dans cette cohue, rendant généreusement les coups de coude et d’épaule, et disputant son tour aux garçons.

Un dimanche, les premiers arrivants à la distribution reçurent avec leur gazette une enveloppe jaune. Ceux qui vinrent ensuite en retirèrent également. Presque tout le monde eut la sienne. La Scouine en emporta une.

C’était les Linche, les propriétaires du grand magasin général qui envoyaient leurs comptes annuels aux fermiers. Celui d’Urgèle Deschamps se montait à soixante-quinze piastres. L’état détaillé comportait entr’autres articles quatre paires de bot-