Page:Laboulaye & Guiffrey - La propriété littéraire au XVIIIe siècle, 1859.djvu/31

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monsieur, qui n’ayez influé ni pu influer sur la composition de mon ouvrage, comment pouvez-vous vous arroger le droit de Tendre la permission de l’imprimer, et me ravir la faculté de céder à qui je voudrai la permission de l’imprimer à toujours ? « Mon portefeuille renferme un ouvrage que j’ai composé longtemps avant que vous fussiez dans la magistrature, et peut-être pendant que tous veilliez pour bien faire filer, teindre et tisser les laines qui composaient les draps de M. votre père ; vous n’avez donc pu influer sur la composition de mon ouvrage, vous n’avez donc aucun droit de copropriété sur mon ouvrage, vous n’avez aucun droit d’en partager les fruits m par conséquent aucun droit de vendre la permission de l’imprimer après ma mort, puisque la vente de cette permission est une partie des fruits de mon ouvrage. Si vous voulez partager avec moi les fruits de mon ouvrage, il faut que je partage avec vous les profits des draps que vous faisiez fabriquer à Louviers, pendant que je composais mon ouvrage à Paris. c ....Si l’on a droit aux productions du travail et de l’industrie des autres, c’en est fait du droit naturel, civil, et des gens ; il n’y a pas de propriété.... »

La requête au Roi n’avait point abouti, les plaintes adressées à l’opinion ne modifiait en rien le parti pris par l’autorité ; on eût recours à la justice. C’était un moyen de tourner les arrêts du Conseil et de les annuler. Dans notre ancienne monarchie il y avait un dernier ressort au-dessus de l’administration ; c’était le Parlement. Les arrêts du Conseil n avaient pas été soumis à l’enregistrement ! ils troublaient une industrie considérable, ils menaçaient la. propriété, ils établissaient un impôt, ce qu’une loi seule pouvait faire. C’étaient là des raisons suffisantes pour que le Parlement intervint. Saisi de la question par d’Esprémenil, ce conseiller fougueux qui, en 1787, devait donner le signal de la Révolution, pour monter plus tard sur l’échafaud, comme royaliste , le Parlement chargea les gens du Roi de lui rendre compte de ces innovations ainsi que des règlements antérieurs sur le fait de la librairie.

C’est à cet arrêt du Parlement que nous devons le compte rendu de l’avocat général Antoine-Louis Séguier. compte rendu qui occupa trois séances, les 10, 27 et 31 août 1779. Que l’on considère le rang de l’auteur ou l’importance du travail, ce compte rendu est la pièce la plus importante qui ait paru au dixhuitième siècle sur la question qui nous occupe. On y trouve l’histoire de l’imprimerie et des lois qui l’ont régie depuis son ori-