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gine, l’analyse des anciens et des nouveaux règlements, l’exposé des plaintes de la librairie, des vues très-justes sur les privilèges et un résumé fidèle et impartial des arguments favorables ou contraires à la propriété littéraire[1]. M. Séguier ne conclut pas et ne pouvait pas conclure. C’était un compte rendu que lui demandait le Parlement, et rien de plus. D’ailleurs, comme avocat général, sa position lui défendait d’aller plus loin. Placé entre le Roi et le Parlement, organe du pouvoir, il ne pouvait prendre part dans un débat où l’autorité était engagée. Mais si l’avocat général évitait de se prononcer, il ne cachait pas néanmoins l’opinion qu’il pouvait avoir comme particulier : cette opinion est toute favorable à la propriété.

Nous n’extrairons rien de ce remarquable travail qui nous a beaucoup servi pour cette introduction. Il faut le lire tout entier ; c’est une œuvre qui fait honneur à notre ancienne magistrature, et qui en même temps nous donne de la justice sous l’ancien régime une idée qui n’a rien de défavorable. On y verra quelles étaient l’indépendance et l’autorité du parlement.

Après le compte rendu de M. Séguier, on trouvera un mémoire présenté au garde des sceaux, en 1787, par les libraires de Paris. C’est le tableau trop fidèle de la ruine à laquelle les arrêts de 1777 avaient condamné les libraires.

Il semble que la Révolution, qui s’était donné pour mission de redresser tous les abus, aurait dû reconnaître la propriété littéraire ; mais, nous l’avons déjà dit, cette propriété portait le nom de privilège : c’en était assez pour la proscrire sur l’étiquette. Il faut aller jusqu’à la Convention nationale, pour trouver à la date du 19 juillet 1793, le rapport de Lakanal, et le décret qui fait encore le fond de notre législation.

Le rapport est magnifique ; il est écrit dans ce style à fanfares qui charmait nos pères ; on y proclame la propriété littéraire, comme la moins susceptible de contestations, celle dont l'accroissement ne peut ni blesser l'égalité républicaine, ni donner d’ombrage à la liberté. On s’étonne qu’il ait fallu une aussi grande révolution que la nôtre pour nous ramener sur ce point, comme sur tant d’autres, aux simples éléments de la justice la plus commune ; on peint avec les plus vives couleurs l’injustice de la contrefaçon :

  1. Voy. notamment, p. 585 et suiv.