Page:Laboulaye & Guiffrey - La propriété littéraire au XVIIIe siècle, 1859.djvu/615

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répondre avec la même force, et nous devons mettre sous vos yeux l’analyse de la prétention contraire. Tout auteur, il est vrai, est propriétaire de son ouvrage, mais il n’est propriétaire que du manuscrit de son ouvrage, et s’il donne ou s’il vend ce manuscrit, il n’a plus aucune propriété réelle ; il ne lui reste que le mérite et l’avantage d’en avoir été le créateur.

Il en est de même du libraire substitué à l’auteur, et le libraire n’a d’autre propriété que celle que l’auteur lui a transmise ; encore ne l’a-t-il pas avec la même plénitude que l’auteur, parce que celui-ci a créé l’ouvrage ; cette qualité d’auteur, qui ne peut lui être enlevée, le met à portée de recréer son ouvrage, si le manuscrit était perdu ou brûlé ; l’imprimeur, au contraire, n’a d’autre droit que celui d’être devenu possesseur du manuscrit qu’il a acheté ; il a fait un échange, et le marché a été consommé par la tradition. Il est encore une seconde propriété commune à l’un et à l’autre : c’est celle. des copies imprimées que l’auteur a fait exécuter, ou que le libraire a exécuté pour son compte avec le secours de la presse ; si l’un et l’autre gardent en leur possession ces copies, ils ont encore une propriété réçlle sur l’ouvrage qu’ils ont ainsi multiplié ; mais du moment que l’ouvrage imprimé est livré au public par la vente des copies qui en ont été tirées, que devient la propriété de l’ouvrage ? Ne peut-on pas dire que l’auteur n’a rien à prétendre au delà du prix du manuscrit, et de la qualité indélébile d’auteur qu’on ne peut lui contester ? Ne peut-on pas dire de même que le libraire n’a rien à répéter que le prix des copies imprimées de l’ouvrage qu’il a mis au jour, et qu’il peut réimprimer tant que le privilège subsistera ? Ne s’ensuit-il pas de là que la propriété de l’ouvrage s’évanouit après l’impression ?

Et en effet tout livre donné au public devient un livre 

public ; qu’il soit ancien ou qu’il soit nouveau, peu importe, il n’y a plus de distinction à faire ; un livre dont le privilège est expiré est un livre ancien ; la propriété cesse avec le pri-