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sorte de prière rimée que je savais aussi, et répétais en moi-même avec elle :

Sainte Barbe, sainte Fleur,
Par la croix de Notre-Seigneur,
Si l’orage tombe sur nous,
Sainte Barbe, protégez-nous.

« Les marins, sur la mer !… » dit ma tante.

Une tragique lueur nous venait par la fenêtre, où le ciel chargé se montrait béant d’une plaie jaune. À cette clarté, ma mère était blême autant que le linge qu’elle ourlait ; la figure de ma tante devenait de cire ; Segonde, les yeux clos, offrait une face aveugle sculptée dans du bois. La foudre continuait de luire et de frapper, et je pensais aux jours terribles où la justice de Dieu passait sur les villes maudites, en pluie de soufre et de feu. Longtemps, éclairs et roulements se succédèrent ; ma mère priait à son tour, et je m’étais blotti près d’elle pour cacher mon visage entre ses mains, sur ses genoux. Enfin la pluie commença de tomber, lourde, serrée, en un ruissellement de cataracte ; une heure