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parfum. Elle mettait pour le repas les plus mûres dans une coupe à jour, garnie de feuilles de vigne ou de figuier, et mes doigts, au dessert, s’y glissaient avec délice.

Nous n’allions plus en ville le dimanche, c’est au village voisin que nous nous rendions à pied pour entendre la messe ; nous rentrions ensuite et ne quittions plus la maison. Pour distraire ses mains oisives, ma mère faisait des bouquets ou coupait, sur les rosiers, les fleurs fanées ; ma tante lisait les Vêpres, et je prenais le missel après elle pour y chercher la suite des Évangiles que j’aimais feuilleter. Ils m’ouvraient un pays heureux aux lignes simples, où des lacs poissonneux reflétaient de calmes montagnes, où j’aurais voulu vivre parmi les Apôtres et les Saintes femmes, au visage de qui je prêtais des traits familiers. Marthe, secourable et préoccupée, revêtait l’apparence de Segonde ; je la voyais chez Lazare, préparant le repas et s’inquiétant de n’être pas aidée, ou courant implorer Jésus à la mort de son frère et ne pouvant taire ses