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sifs, et m’abattis dans la cuisine où Segonde effarée me releva. Je lui parus si pâle qu’elle sortit, me croyant poursuivi ; puis elle revint s’enquérir de la cause d’un si profond effroi ; je ne sus que lui répondre, et me réfugiai dans la petite salle où mon tremblement s’apaisa.

Pendant la nuit qui suivit, la musique que j’écoutais encore s’arrêta brusquement, et un bruit de voix me parvint ; ma mère était entrée dans le salon. Je ne distinguais pas ses paroles, mais leur ton était celui de la prière ; elle parla seule, par périodes, longtemps, sans que rien lui répondît qu’une note unique, toujours la même, frappée à la basse du piano. Enfin, je crus entendre mon père prononcer une phrase brève, et ce furent un rire amer et des sanglots qui se perdirent dans une improvisation tumultueuse, si longuement soutenue et reprise que je m’endormis sans qu’elle se fût éteinte, en rêvant qu’un vol d’oiseaux en fureur saccageait les massifs de l’enclos.