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philosophie a partir des successeurs de Leibnitz, jusqu’à Kant, Schelling, Hegel, et montre comment la renaissance littéraire du commencement de ce siècle, issue de ia philosophie t à son tour influa sur les idées religieuses et l’enseignement même de la théologie.

L’auteur montre le premier essor de la libre pensée avec Wolf et son école ; il peint Frédéric II et l’incrédulité française trônant à Potsdam avec les beaux esprits français, chargés de l’acclimater sur les bords de la Sprée, puis la réaction naturelle et prévue du besoin de croire, qui est le fond de la nature allemande. Klopstock s’en fait l’organe dans l’épopée, tandis que Goethe prête au panthéisme 1 éclat de son génie. Vient ensuite le mouvement philosophique si remarquable du début de ce siècle, et dont Kant est l’initiateur, Kant représente l’insurrection de la raison contre les mystères de la foi ; il veut tout ramener à lui-même et au culte de la libre pensée, de laquelle tout émane, & laquelle tout revient. Nous arrivons alors à Fichte, à Schelling, enfin à Hefel, le roi de l’absolu, le superbe dominateur e la pensée allemande dans tous les domaines, même dans celui de l’histoire. Les frands noms de Klopstock, Lessing, Herer, Schiller, Gœthe, sont les centres lumineux, autour desquels M. Lichtenberger a groupé tous les faits généraux dont se compose la première partie de son livre ; d’excellentes monographies des principaux théologiens et des plus éminents professeurs des facultés, Sehleiermacher, Neander, Rothe, Nitsch, Schaller, Erdman, Dœllinger, Mœlner, Bunsen, Strauss, Baur, et l’école de Tubingue, lui permettent, par le même système de groupement, d’introduire quelque clarté dans un sujet par lui-même assez confus. Ces notices sont d’une étendue variable, suivant l’importance de l’homme ; l’étude consacrée à Sehleiermacher, le rénovateur de la théologie allemande, celui qui a exercé par son enseignement et ses travaux la plus grande influence, depuis cinquante ans, sur la direction des idées, occupe un demi-volume, environ le tiers de l’ouvrage ; d’autres notices tiennent en deux ou trois pages. Ces portraits sont pleins de vie et da vérité ; l’auteur, suivant la méthode de M. H. Taine, s’y efforce d’expliquer le système par l’homme, et l’homme par le milieu où il a vécu. Outre la monographie de Sehleiermacher, notons, comme les plus étudiées, celles de Gœthe, de Strauss et de Bunsen. Dans l’exposition des idées, M. Lichtenberger n’est pas un simple narrateur éclectique et désintéressé, analysant tour à tour chaque doctrine : c’est un croyant, ayant son parti pris contre le symbolisme de Strauss aussi bien que contre le panthéisme de Gœthe ; nous nous bornons à analyser son livre, sans dire sur quels points nos propres idées différeraient de ses conclusions. Il a fait avec clarté l’histoire des relations du protestantisme et du catholicisme dans la période antérieure aux derniers conflits et surtout tracé un tableau magistral et bien vivant de ce qu’étaient les grandes universités allemandes, au temps de leur splendeur.

Allemagne (HISTOIRB DES DOCTRINES UTTB RAtRiiS et esthétiques bn), par Emile Brucker (1883, 2 vol, in-8°). L’auteur étudie dans le premier volume la période la plus ingrate de l’histoire littéraire de l’Allemagne, celle qui s’étend du milieu du xvia siècle au milieu du xvine, de Luther à Lessing, et au cours de laquelle faillit disparaître la langue allemande elle-même, menacée d’être reléguée au rang de simple patois provincial. Cette décadence, après la magnifique floraison des minnesinger, après la Reforme dont le souffle avait comme renouvelé la langue, s’explique aisément par l’état social et politique du pays, ses divisions intestines, la guerre de Trente ans, et enfin le morcellement des États qui empêcha toute vie nationale commune. Cette anarchie constituée, comme l’appelle Hegel, devait fatalement être un grand obstacle, non seulement a la littérature, mais aussi à la langue, envahie par une foule de mots espagnols, italiens, français que les armées étrangères avaient apportés avec elles. Au saxon, que Luther avait failli rendre le dialecte prépondérant par sa traduction de la Bible, s’était substitué un jargon cosmopolite des plus singuliers : on a compté, dans une seule ligne d’un écrit du xvir& siècle, trois ou quatre mots français, deux mots latins ou italiens, quatre mots allemands et deux mots germanisés t à Si le français, le welche, le romain, disait Neumark à cette époque, voulaient reprendre les mots qui leur reviennent de droit, combien resterait-il à l’allemand ? Comme cet oiseau, dépouillé des plumes étrangères, serait nu et laid t » La haute eociété ne parlaitque le français. La princesse de Bavière qui vint en France épouser le grand Dauphin, fils de Louis XIV, reçue & Strasbourg par les bourgeois, répondit en français a. leur harangue en français, prétextant ne pas entendre l’allemand. Toutes les petites cours se modelaient sur la cour de France, les princes et principicules venaient achever chez nous leur éducation ; nos modes, nos usages, notre cuisine même, prévalaient pariout et nous envahissions l’Allemagne par nos maîtres de danse, nos perruquiers, nos tailleurs, nos cuisiniers et nos couturières.

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Un professeur de l’université de Halle, Thomasius, alla jusqu’à faire afficher sur le tableau noir où s’annoncent les cours qu’il ferait te sien en français, ce qui du reste souleva une émeute parmi les étudiants.

M. Em. Brucker fait l’historique de tous les efforts tentés par les lettrés, durant cette période, pour remettre en honneur l’idiome national. C’est d’abord Leibniz qui se signale par son. Avertissement aux Allemands de mieux exercer leur intelligence et leur langue et par ses Considérations sur la langue allemande. Des sociétés se forment dans le même but : la Société des Bergers de la Pegnitz, l’Académie des Loyales, l’Académie des parfaits amants, la Société frugifère, deWeimar, à laquelle appartenait Opitz, l’un des promoteurs les plus actifs de ce mouvement littéraire. Après lui viennent Philippe Harsdœrfer, Hoffmans-waldau, Lohenstein, Gottsched, et la langue allemande reprend peu à peu

f>ossession du sol allemand. Gottsched, le Boieau et le Malherbe d’outre-Rbin, pousse jusqu’à la manie le goût de la régularité, le fanatisme de la réglementation ; il proscrit toute liberté d’allure, toute fantaisie individuelle et, s’il avait continué de régner, la poésie allemande aurait perdu évidemment tout ce qui fait sa personnalité, son originalité ; il n en rendit pas moins service à la littérature en faisant voir ce que peuvent produire de beau chez les maîtres la pureté et la clarté de l’ordonnance classique. De son vivant même, Bodmer et Breitinger, en rendant ses droits à l’imagination, préparèrent le terrain où purent évoluer Wieland, Klopstock, Herder, Winckelmann et Lessing. M. Em. Grucker ne se.contente pas de raconter cette curieuse évolution de l’esprit allemand, il la caractérise aussi, et en de très justes termes : « Chez nous, la poésie et la littérature sont nées avant les règles, et avant l’esthétique. Malherbe, Boileau, toute la critique du xvii" siècle, ont légiféré quand l’art était arrivé à son point d’apogée et d’éclat. En Allemagne, au contraire, la critique précède la poésie ; la doctrine s’élabore avant que les œuvres s’enfantent ; la littérature sort de l’esthétique. Il y a là comme une preuve nouvelle de ce caractère éminemment théorique et spéculatif qui distingue le génie de la race, et que tous les penseurs allemands reconnaissent. Toujours les Allemands partent des principes, a dit Louis Bœrne ; s’il s agit d’ôter une tache à un habit, ils se mettent à étudier la chimie d’abord, tant pis si pendant ce temps-là l’habit tombe en lambeaux. L’Allemagne a fait pour transformer sa littérature la même chose que pour nettoyer ses habits ; elle a commencé par étudier la chimie, c’est-à-dire par codifier la critique et l’esthétique. •

Allemagne (LA DOMINATION FRANÇAISE EN), par M. Alfred Rambaud (1873-1874, % vol.). Dans ces deux volumes, dont le premier a pour titre les Français sur le Rhin et le second : l’Allemagne sous Napoléon f’rr l’auteur a établi, avec beaucoup d’érudition et de talent, quelle avait été l’influence de lu Révolution française et de l’Empire, qui, à ce point de vue, fut le continuateur de la Révolution, sur les idées, les mœurs et la législation de l’Allemagne. C’était un sujet intéressant entre tous, de faire te compte de ce que nous doivent les gens qui nous détestent le plus, les Allemands. Ils ont prétendu et prétendent encore que la France est l’ennemie héréditaire de l’Allemagne, que nous n’avons cessé de faire irruption sur la terre germanique pour en opprimer les peuples et que, par conséquent, ta guerre de 1870 n’a été qu’une revanche. M. Rambaud montre combien ces assertions sont loin de la venté ; qu’en tous temps, spécialement sous la Révolution et même sous l’Empire, les Français ont été, pour les habitants de la rive gauche du Rhin des libérateurs, des réformateurs, et nullement des conquérants ; qu’au rebours des invasions allemandes en France, les invasions françaises en Allemagne ont apporté avec elles des éléments essentiels de progrès, et qu’avant qu’ils nous considérassent comme des ennemis les Allemands nous en étaient reconnaissants. La France joua longtemps

le rôle de protectrice de 1 Allemagne, soit contre l’Autriche, soit contre la Prusse, ce dont jadis elle nous savait gré. Abolition du servage, suppression des exemptions d’impôts en faveur des nobles, des maisons religieuses et des autres privilégiés, suppression des couvents, établissement de la tolérance entre les différents cultes, tels furent en gros les

Progrès dus aux armées républicaines ; a Empire revient l’introduction du code civil et des immenses améliorations qu’apportait avec elle cette nouvelle législation : liberté personnelle, libre disposition de ses biens, abolition des fiefs et des tidéi-commis, égalité devant la loi, etc. Cette égalité ne devaitelle pas être acceptée avec reconnaissance dans un pays où, avant l’arrivée des Français, on faisait encore subir le supplice du chevalet aux domestiques pour les fautes les plus légères du service ; où le seigneur pouvait encore avoir part à l’héritage du paysan, parce qu’il était « son homme • ? Des prugiès identiques étaient réalisés dans l’administration par la création de conseils d’Ktat, de conseils départementaux et municipaux ; dans le commerce, par l’introduction d’un

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système uniforme de poids et mesures. « Même lorsque Bonaparte eut confisqué la liberté française et l’indépendance de 1 Allemagne occidentale, même lorsqu’il fut devenu de fait, sinon de titre, empereur d’Occident, ce ne furent pas les Allemands qui eurent le plus à se plaindre de lui. Il retardait le progrès en France et l’accélérait en Allemagne. Notre grief a nous, Français, contre Napoléon, c’est qu’il mettait Allemands et Français au même niveau, comme si nous n’avions pas été le peuple de la Révolution. » En réduisant à trente-six les principautés allemandes, en forçant les autres princes à devenir de simples sujets, en érigeant en royaumes, qu’il agrandit, la Bavière et le Wurtemberg, en faisant deux grands-duchés des êlectorats de Bade et de Hesse-Darmstadt, Napoléon n’entendait se faire des princes allemands que des alliés, non des feudataires, et ne garder sur eux aucun droit de suzeraineté, comme l’ancien empereur. Toutes ces réformes, civiles, judiciaires, administratives, furent accueillies avec enthousiasme. La fraternité qui unissait alors Français et Allemands était telle que, lorsque Napoléon eut déclaré la guerre à la Prusse, l’Allemagne du Sud, l’Allemagne francisée, Badois, Bavarois etWurtembergeois.se leva tout entière ; il fullut modérer son élan, et surtout réprimer les habitudes de pillage de ces trop ardents auxiliaires. En Silésie, ils enlevaient partout « les chevaux, les montres et l’argent ». On les eût alors bien étonnés, eux qui étaient si exaspérés contre les Prussiens, si on leur eût dit qu’ils viendraient quelque soixante ans plus tard à Paris prendre leur revanche d’Iéna : ils y avaient collaboré 1 L’enthousiasme pour Napoléon survécut à ses

créations de royaumes éphémères, à sa chute même. On en trouve des traces profondes dans Henri Heine, un napoléonien comme nous en avons à peine eu en France, sans excepter Victor Hugo : le Tambour Legrand et les Deux Grenadiers sont, dans leur simplicité qui eu fait des morceaux populaires, d’une poésie plus intime, plus émue que l’Ode à la colonne et le Retour des cendres. Niklas Mùller, un Béranger allemand, publiait en 1837 un Livre de chants pour tes vétérans gui servirent dans la grande armée de Napoléon, et l’on voyait au frontispice du livre deux soldats germains pleurer sur la tombe de Sainte-Hélène, l’épée et le petit chapeau, ombragés du saule pleureur historique. Après 18M et sous la réaction de la Sainte-Alliance, les véritables patriotes allemands, ceux qui s’étaient imprégnés dé libéralisme sous la domination française, se voyaient poursuivre, traquer, proscrire, et c’est en France qu’ils trouvaient un refuge. On ne peut nier toutefois que, pour la musse de la population, les guerres de l’Empire et la politique de conquête n’aient tini par nous désaffectionner profondément l’Allemagne. Aussi nous associons-nous volontiers aux conclusions de

M. Alfred Rambaud : • Beaucoup de ceux qui dans l’Allemagne rhénane avaient accueilli le drapeau tricolore en 1792, non comme celui d une nation particulière, mais comme celui de l’Europe affranchie, qui avaient planté à Cologne et à Coblentz les arbres de liberté et, suivant l’expression de Gœthe, inauguré les danses joyeuses autour des nouveaux étendards, qui avaient siégé dans la convention de Mayence et voté la réunion à la France, reconnurent dans les fondations impériales la réalisation d’une partie au moins de leur programme. Mais 1 esprit de 1789 ne pouvait que réprouver les guerres éternelles, les conquêtes non ratifiées par le consentement des peuples et toutes les violences qui furent les conséquences du système politique de l’empereur. Et qu’on ne dise pas que des victoires étaient nécessaires pour propager les principes nouveaux I La France n’avait qu’à être forte chez elle ; les principes français auraient fait d’eux-mêmes leur chemin eu Europe. Si elle était restée puissante et paisible derrière la barrière de ses Alpes et de son Rhin, laissant les autres peuples à leur libre inspiration, et même fermant l’oreille aux appels d’intervention qui n’eussent pas manqué de se produire, alors il se serait fait une propagande moins rapide peut-être au début, mais d’une marche plus certaine et plus assurée, et qui n’eût pas exposé la liberté et l’égalité à subir les vicissitudes de la politique et de la guerre, et à succomber en Allemagne au lendemain de Leipzig, parce qu’un despote avait été vaincu par d’autres despotes. La Germanie occidentale, chaque jour plus semblable à la France, chaque jour plus en progrès sur la Germanie orientale, eût vu ses frères et ses concitoyens, non à Berlin ou à Vienne, mais k Paris. Lèrô des haines nationales et des affreuses guerres de race n’eût pu s’ouvrir. Ce qui fût sorti de la grande crise, ce n’eût pas été l’Allemagne prussienne, pour laquelle nous restons l’ennemi héréditaire, mais l’Allemagne française et démocratique, unie avec nous dans une foi politique commune, cohéritière de la Révolution. »

Allemagne (HOMMES ET CHOSES DE I.’), par

G. Valbeil (1878). Ces études ont originairement parudans la • Revue desDeux-Mun des». Elles forment une sorte de chronique brillante des affaires allemandes, ou plutôt des affaires européennes dans leurs rapports avec l’Allemagne. L’auteur y fait preuve d’une

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grande impartialité et d’une liberté d’esprit qui n’est pas habituelle aux vaincus lorsqu’ils parlent de leurs vainqueurs. • Les récriminations ardentes du lendemain de la

défaiteétaient épuisées, adit M. G. Charmes, mais le juste milieu entre des critiques passionnées et des éloges qui auraient manqué de dignité n’était pas encore complètement trouvé. M. G. Valbert a été l’un de ceux qui ont pour ainsi dire donné le ton que tout le monde a pris plus ou moins depuis quelques années. Sous la plume d’un écrivain che* lequel l’imagination et l’ironie anglaises s’unissent à l’esprit français, l’étude des questions allemandes s’est transformée. M. G. Valbert n’a jamais hérité à exprimer sa pensée avec une entière franchise ; mais il l’a fait en même temps avec une humeur particulière, une originalité de talent, une finesse de raillerie, qui lui ont permis de tout dire sans dépasser une seule fois la mesure.

Quelques-uns des chapitres de son livre sont, à ce point de vue, de véritables modèles ; il est impossible de passera travers les difficultés avec plus de souplesse et de dextérité. »

Une bonne partie du livre est consacrée à M. de Bismarck et destinée à expliquer comment il se fait que celui qui devait ses plus grands succès à la désinvolture de son langage et de sa conduite, à la hardiesse avec laquelle il étalait au grand jour ses plans et sa volonté, s’est maintenant renfermé dans une telle réserve et ne parle plus qu’un langage si ambigu, qu’on l’a surnommé le Sphinx de Varzin. M. G. Valbert voit la cause de ce mutisme et de cette ambiguïté de langage ou de résolutions dans l’échec désormais certain du système sur lequel l’homme d’État allemand avait cru fonder pour toujours la paix del’Europe. Pouvant, après Sad«wa et après Sedan, constituer la suprématie de l’Allemagne sur l’Allemagne elle-même, alora qu’il avait brisé l’Autriche et la France, que la Russie était tout entière a sa transformation intérieure et que l’Angleterre s’isolait, la crainte d’une revanche de ta part de la France le conduisit à la fameuse conception de l’alliance des trois empires ; il lui sembla que l’équilibre européen était désormais assuré si l’Allemagne, ia Russie et l’Autriche, étroitement unies, empêchaient qu’il fût jamais tiré en Europe un coup de canon. Mais il faisait là le raisonnement instinctif de l’homme qui, ayant bien dîné, croit que personne ne peut avoir faim. Tandis que, par cette alliance, il comptait faire de la Russie et de l’Autriche les gardes du corps de l’Allemagne, la Russie songeait à en retirer des bénéfices du côté de 1 Orient et l’Autriche voulait au contraire en faire une barrière contre le panslavisme. Placée entre ces visées contradictoires, l’Allemagne, et par conséquent celui qui lui dicte ses volontés, ne peuvent plus que louvoyer, laisser venir les événements, voir d’où le vent souffle. D’un autre côté, l’Angleterre a montré, lors de la guerre turco-russe, qu’elle savait ne pas s’obstiner dans la non-intervention, et fa France aussi est prête à regarder d’où le

vent souffle. C’est tout cela qui rend perplexe le grand chancelier, et le fait borner le rôle de l’Allemagne à un « honnête courtage > entre les puissances, ou bien lui fait dire, en termes énigmatiques : • Jouons la carte allemande, jetons-la sur table, et chacun s’arrangera en conséquence. •

Allemagne (ÉTUDES SUR L’EMPIRE »’), par M. J. Cohen (1879, l vol.). La première partie de l’ouvrage est un aperçu historique sur le développement de l’unité allemande, du Xe siècle au xixe. On y voit, dans ses phases successives, ce que fut l’empire d’Allemagne sous les maisons de Saxe, de Franconie, de Sounbe, d’Autriche et de Hohenzollern, sa constitution si compliquée par l’enchevêtrement des pouvoirs, qu’au moment d’agir, l’empire, selon un dicton fameux, « était toujours en retard d’une idée, d’une année et d’une armée. • La constitution nouvelle vaut-elle mieux ? ■ C’est, dit M. Cohen, une espèce de concordat entre les États faisant partie de la confédération impériale, un traité d’ulliance sut generis, un acte diplomatique consenti par des gouvernements également indépendants, qui, en droit, n’ont rien perdu de leur souveraineté particulière, lorsqu’ils ont placé certains intérêts généraux sous la gestion de l’empereur, du conseil fédéral et du Reichstag. Pour contenter tout le monde, on a amalgamé, dans une sorte de mosaïque politique, les systèmes les plus hétérogènes ; on a satisfait 1 ambition de la Prusse en donnant à son roi la couronne du nouvel empire ; on a respecté les prétentions des princes en conservant au conseil fédéral les attributions essentielles, sinon la forme, de l’ancienne Diète ; enfin on a répondu aux revendications de la démocratie en constituant un parlement national élu par le suffrage universel. Ce régime hybride, qui ne donne ni l’autorité au pouvoir, ni la liberté au peuple, ni l’unité au pays, ne finira-t-il pas par déplaire à tout le monde ? N’est-il pas destiné a produire des luttes que M. de Bismarck et l’empereur Guillaume sont assez puissants pour contenir encore, mais qui les déborderont peut-être eux-mêmes, et qui éclateront sans doute sous leurs successeurs ? » C’est l’avis général.

Passant aux réaultats acquis, M. J. Conesi