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ou producteur de maladie, dans lequel un poison élaboré dans un organisme normal ou malade, agit sur cet organisme, s’il n’est détruit ou éliminé.

L’homme sain est un réceptacle et un laboratoire de poisons. Il en reçoit par les aliments, il en fabrique par la désassimilation, il en forme par ses sécrétions. Le corps humain est même le théâtre d’éiaborations toxiques qui sont opérées par les microbes normaux, par ceux qui habitent constamment le tube digestif. El cependant l’homme n’est pas empoisonné ; car il est protégé de plusieurs manières contre l’empoisonnement. D’abord son foie le protège en arrêtant au passage les poisons puisés dans l’intestin par la veine porte, pour les neutraliser ou les rejeter dans l’intestin. Puis les émonctoires expulsent les poisons qui sont en circulation. Mais, qu’il survienne un trouble morbide qui augmente la dose des poisons normaux ; qu’il vienne à s’en former de nouveaux par une déviation de la nutrition ou une désassimilation exagérée ; que des microbes pathogènes, introduits dans l’organisme, troublent la vitalité des cellules ou fabriquent eux-mêmes des poisons, en leur qualité de ferments ; et surtout que les organes de l’émonction viennent à suspendre leurs fonctions en partie ou en totalité, voilà les poisons qui vont s’accumuler dans l’économie : l’autointoxication va être produite.

Les divers points da cet exposé rapide de la doctrine méritent d’être développés et appuyés par des exemples ; car la théorie de l’auto-intoxication venant compléter les grands

processus de l’infection, des réactions nerveuses et des troubles primitifs de la nutrition on peut se rendre compte de la cause, des symptômes et de la marche de ce que l’on considère aujourd’hui comme une maladie. Pour prouver que l’homme fabrique des poisons, il suffit de montrer que les émonctoires déversent à l’extérieur des substances toxiques, que les produits excrémentitiels sont toxiques. Depuis longtemps on sait que le poumon élimine de l’acide carbonique en abondance. L’intestin n’offre pas un champ d’expériences commode, car nous sommes impuissants à faire la distinction entre les produits qui y sont apportés par les sécrétions, par la bile entre autres, et ceux qui s’y fabriquent. Pour la peau, les recherches sont embarrassantes à cause de la petite quantité des produits sécrétés et de la difficulté qu’on éprouve à les recueillir. De même pour un grand nombre de glandes ; mais nous pouvons étudier l’urine et la bile.

Deux méthodes se présentent ; l’analyse chimique, et l’expérimentation sur les animaux. Avec ses procédés modernes si délicats, la chimie a déjà réussi à isoler bon nombre de substances toxiques contenues dans l’organisme sain ou malade ; il suffit de rappeler à ce sujet, les beaux travaux de M. A. Gautier sur les alcaloïdes, les leucomaïnes et les ptomaïnes ; mais elle [reste encore impuissante dans bien des cas. C’est la ’ seconde méthode, aidée souvent d’ailleurs par les procédés de la chimie, qui a donné les résultats les plus convaincants. Elle consiste à administrer aux animaux les produits d’excrémentitionnormale ou pathologique, soit en

totalité, ou soit en les réduisant aux éléments actifs sans les altérer. On observe alors les symptômes que présentent les sujets en expérience ; on les compare aux symptômes existant dans telle ou telle maladie ; le calcul fait d’après la quantité des substances employée, d’après le poids de l’individu producteur du poison, d’après le poids du sujet, permet même de déterminer la dose du poison et son coefficient de toxicité. Le mode d’expérimentation le plus parfait n’est pas l’ingestion de la substance par les voies digestives, ni son injection sous-cutanée, qui donnent lieu à des erreurs fréquentes ; mais l’injection intraveineuse au moyen d’une seringue ou d’un appareil à transfusion. Les expérimentateurs ont presque toujours employé le lapin, dont les oreilles présentent des veines assez volumineuses et assez superficielles pour que le manuel opératoire soit facile.

La toxicité de l’urinet même normale, a été admise à priori, parce qu’on a toujours vu la suppression de su sécrétion amener la mort. Quand on l’injecte en nature, a. l’état frais, on observe avec 10 ou 15 centimètres cubes un myosis ou contraction pupillaire, qui s’accentue de plus en plus jusqu’à ce que la pupille soit devenue punctiforme. Puis le mouvement respiratoire s’accentue, diminuant d’amplitude. L’animal s’affaiblit, ses mouvements deviennent indécis et pénibles, la somnolence et le coma arrivent. Les émissions d’urine sont alors bien plus fréquentes que si l’on injecte de l’eau pure ; la température s’abaisse énormément ; les yeux sont à fleur de tête (exophtalmie), et la mort arrive sans convulsions ou avec quelques secousses musculaires modérées. La pupille ne se dilate que quelque temps après la mort. Si l’urine est injectée à dose moindre, sans qu’on dépasse la période du coma, l’animal reste en résolution avec une polyurie telle que, toutes les deux minutes, se fait une émission d’urine. Puis la torpeur diminue, la calorification remonte, la pupille se dilata et au bout d’une demi-heure le retour à la santé est définitif, sans phénomènes secondaires.

La quantité d’urine normale nécessaire

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pour produire ces phénomènes d’intoxication oscille entre 30 et 60 grammes, soit 45 grammes en moyenne pour l kilogr. d’animal. Ainsi le professeur Bouchard a pu déterminer l’urotoxie, c’est-à-dire l’unité de toxicité ou quantité de toxicité urinaire nécessaire pour tuer 1 kilogr. d’être vivant, et les coefficients urotoxiques, c’est-k-dire la quantité d’urotoxies que 1 kilogr. d’homme peut fabriquer en vingt-quatre heures. Par le calcul il a ainsi trouvé que le coefficient normal est à peu près 0,464. En vingt-quatre heures 1 kilogr. d’homme fabrique de quoi tuer 464 grammes d’animal ; il fabrique donc la moitié de ce qu’il faudrait pour se tuer lui-même, et en somme, il mettrait deux jours et quatre heures pour fabriquer la masse de poison urinaire capable de l’intoxiquer. Les variations du coefficient sont peu étenduesà l’état physiologique, mais dans l’état de maladie elles peuvent osciller entre 2 et 0,10.

Les détails les plus curieux ont été révélés par cette étude de la toxicité des urines. Elle varie suivant des circonstances multiples : activité cérébrale, activité musculaire, sommeil, alimentation. Les variations portent sur l’intensité et la quantité. Les urines du sommeil, bien plus denses, plus riches en matériaux solides, sont à volume égal deux ou trois fois moins toxiques que les urines de la veille. Pendant la veille, la plus grande toxicité appartient à la première moitié du jour. Les urines du sommeil sont toujours franchement convulsivantes ; celles de la veille produisent surtout la narcose. C’est à tel point, dit Bouchard, qu’on se demande s’ii n’y aurait pas lieu de reprendre la vieille théorie toxique du sommeil, celle d’après laquelle l’activité du tissu nerveux s’accompagnerait de la production d’une matière de désassimilation, dont l’action sur la cellule nerveuse serait soporifique. Si cette théorie devait revivre, il faudrait l’élargir et attribuer à l’ensemble de l’économie la formation de la matière narcotique. Ce qui est certain, c’est que dans la veille le corps fabrique une substance qui, accumulée, produirait le sommeil et que pendant le sommeil il élabore, au lieu de cette substance narcotique, une matière convulsivante qui, accumulée, peut amener la secousse musculaire provoquant le réveil.

La toxicité des urines du sommeil étant la moitié seulement de celle des urines sécrétées pendant un égal temps de veille, on pourrait croire que les urines du repos doivent être moins toxiques que les urines du travail musculaire. C’est le contraire qui est vrai. Un jour de grande activité musculaire, en plein air, a, la campagne, la toxicité des vingt-quatre heures diminue d’un tiers et persiste en cet état pendant le repos et le sommeil consécutifs. On pressent l’intérêt que cette expérience présente au point de vue de l’hygiène individuelle et de la thérapeutique.

L’urine normale est donc toxique ; à quels éléments de ce liquide complexe peut être attribuée cette qualité ? L’eau doit être mise hors de cause et aussi les matières volatiles, puisque l’évaporation augmente le pouvoir toxique. Restent les principes fixes eux-mêmes séparables en organiques et minéraux. On trouvera au mot urine les anciennes idées émises a. ce sujet ; nous exposons ici spécialement les idées du professeur Bouchard. L’urée, d’après la doctrine deWilson, était considérée comme le grand principe vénéneux ; c’est ce que démontre la dénomination d’urémie donnée à l’une des grandes classesd’auto-intoxications, dénomination tellement enracinée qu’aujourd’hui on l’emploie encore, plutôt pour se conformer à l’usage, que pour exprimer l’idée qui n’est plus admise par personne. En effet les solutions d’urée pure ne tuent que si l’on en injecte plus de 122 centimètres cubes contenant au moins 6 grammes et demi par kilogr. d’animal. L’acide urique, la créatinine n’ont pas plus d’effet. Et en somme, en soumettant l’urine à des procédés d’analyse sommaire, M. Bouchard est arrivé à déterminer l’existence dans l’urine d’au moins sept poisons ou matières actives, dont quelques-unes n’ont pas encore été isolées. Ces substances sont : l’urée, déjà connue, agissant non comme poison, mais comme diurétique, c’est-à-dire favorisant directement l’élimination des poisons ; la potasse, surtout à l’état de chlorure de potassium, éminemment toxique et convulsivante, à ; la dose de 18 centigrammes par kilogr. d’animal ; un narcotique ; un dialogène, c’est-à-dire provoquant la salivation ; une substance hypothermisante ; deux convuisivantes, dont une déterminant spécialement la contraction de la pupille.

Avec ces notions sur la toxicité de l’urine, nous pouvons déjà comprendre les symptômes qui accompagnent l’anurie, ou l’insuffisance de sécrétion urinaire des opérés auxquels on a enlevé les deux reins, lié les uretères, et des malades atteints de néphrite aiguô ou de mal de Bright. Ces symptômes sont dus à une auto-intoxication dite urémie ; ils sont tout à fait semblables aux phénomènes observés chez les animaux injectés avec l’urine. V. Bright, néphrite.

j La bile contient encore plus de poisons que l’urine. Bouchard qui a repris la question après bien d’autres auteurs, a obtenu la mort à la dose de 4 à 6 centimètres cubes injectés pour 1 kilogr. d’animal. On se fait généralement une trop petite idée de l’importance de

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la sécrétion biliaire, parce qu’on ne considère que ta petite quantité de bile contenue dans la vésicule ; mais l’homme sécrète par vingt-quatre heures de soo à 1.200 grammes de bile, ainsi qu’on l’a vu chez des individus atteints de fistule biliaire. Tout calcul fait, la totalité de la bile est six fois plus toxique que la totalité de l’urine. Heureusement, elle est en grande partie précipitée par le chyme acide qui sortde l’estomac et éliminéeavec les matières fécales, qu’elle colore ; à l’état normal, une très petite portion est résorbée pour être détruite par le foie et rejetée dans l’intestin. Sa toxicité a été attribuée longtemps aux sels biliaires ; et en effet le cholate de soude tue à la dose de 54 centigrammes par kilogr. d’animal, et le choléate de soude à la dose de 46 centigrammes. La cholestérine est peu toxique. Les matières colorantes sont au contraire de violents poisons ; c’est à M. Bouchard que revient le mérite de l’avoir démontré. Décolorée par le charbon, la bile perd les deux tiers de sa toxicité.

La bilirubine, matière colorante principale de laquelle dérivent toutes les autres, (biliverdine, bilifulvine, biliprasine, bilihumine), tue à la dose de 5 centigrammes par kilogr. ; et elle est toxique par elle-même, tandis que les sels biliuires agissent surtout par les lésions anatoiniques que leur contact détermine dans les cellules vivantes, qu’ils digèrent pour ainsi dire, source de produits toxiques par désassimilation exagérée.

Avec ces notions sur la toxicité de la bile, nous allons pouvoir comprendre les symptômes des ictères, de l’insuffisance hépatique et de l’atrophie aiguë du foie ; ce sont autant d’auto-intoxications.

D’où l’urine, la bile, les produits de sécrétion tirent-ils donc ces propriétés toxiques si redoutables, même à l’état normal ? A priori, il est inadmissible, physiologiquement, que le sang qui arrose-si abondamment toutes les glandes, le foie et le rein, soit toxique 1 Mais, s’il ne l’est pas, c’est parce que ces parenchymes lui enlèvent incessamment cette toxicité, qui n’arrive ainsi au degré suffisant pour être nuisible, que dans les cas pathologiques. Et cependant, même expérimentalement l’injection du sang d’un animal dans les veines d’un autre animal peut provoquer la mort, sans que cette mort soit attribuable au mécanisme de l’embolie ou à l’augmentation de la masse du sang. L’injection de 25 centimètres cubes de sang par kilogr. provoque régulièrement la mort ; et ce qui prouve que cette mort est due à l’intoxication, c’est que la dose mortelle varie suivant le point de l’appareil vascutaire où le sang a été puisé. Si, au lieu de le prendre dans le sjstème veineux général, on le puise dans la veine porte, il suffit, pour provoquer la mort, de 14 centimètres cubes. En effet le sang est chargé à ce niveau de matières putrides et biliaires qu’il a puisées dans l’intestin et dont il n’a pas encore été purifié par le foie.

Des effets analogues ont été obtenus avec le sérum ; car on aurait pu objecter que les globules, venant à se désagréger, étaient la cause des accidents. En général, on peut dire que le sang n’a besoin, pour devenir mortellement toxique, que de contenir deux fois et demie plus de matières vénéneuses qu’il n’en contient normalement.

D’où le sang tire-t-il donc lui-même sa toxioilé ? De toute l’économie qu’il baigne. Formant ce que Bordeu appelait le « milieu intérieur», il porte les matières nutritives dans les tissus ; mais il y recueille aussi, par un travail incessant d’osmose, les produits de la désassimilation, les déchets organiques. Les plasmas sont peu toxiques, mais les cellules renferment des substances vénéneuses qu’elles gardent, à l’état de tension, parce que ces substances font partie de leur constitution. Mises en liberté par la mort ou la nutrition de la cellule, ces substances communiquent aux plasmas lymphatique et sanguin leur toxicité. La potasse, qui n’existe normalement que dans les cellules, depuis le globule sanguin jusqu’aux fibres musculaires, tient le premier rang parmi ces matières. On a injecté des extraits des tissus ; ils sont toxiques à cause de leurs produits de désintégration. Les extraits de viande employés dans 1 alimentation, le bon bouillon domestique, ne sont pas toxiques d’habitude, parce qu’on les prend à des doses relativement petites et parce que l’élimination s’en fait incessamment chez l’homme sain ; mais ils contiennent de la potasse, de la créatinine, de la tyrosine, de I la leucine, etc. Qu’on en donne en quantité à, j un brightique, dont les reins ne fonctionnent pas, il s’en trouvera fort mal.

Le tube digestif tout entier est l’une des sources les plus abondantes de matières toxiques pour le sang, bien qu’il joue d’autre part le rôle d’émonctoire. Les aliments, même les plus sains, renferment des matières vénéneuses ; la potasse existe en proportion notable dans la chair musculaire. Des matières putrides résultent de l’élaboration imparfaite des aliments. Des fermentations se produisent dans cet organe, dues à de nombreux microbes auxquels il est constamment ouvert, véritable flore intestinale, qui trouve un milieu de culture excellent, des peptones nutritives, une température constante de 37<> ou 38° ; tous ces petits champignons, et nous ne parlons que des plus innocents, fabriquent des poisons comme les grands.

Les matières putrides sont-elles toxiques ? 96

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Longtemps on a confondu intoxication et infection. Mais Bergmann a isolé la sepsine ; Gautier, Brouardel et Boutmy ont isolé les alcaloïdes de la putréfaction, les ptomaïnes ; et il faut y ajouter bien d’autres résidus des opérations digestives : acides acétique, butyrique, valérique, sulfhydrique ; ammoniaque et ammoniaques composées ; leucine, tyrosine, indol, scatol, crésol, etc., qui sont tous des poisons. À toutes ces substances il faut ajouter la bile, dont la plus grande partie est précipitée, mais dont une portion est résorbée par les veinules. Il n’y a donc plus lieu de s’étonner que le sang de la veine porte soit le plus toxique.

Enfin, on a expérimenté avec des extraits aqueux et alcooliques des matières fécales ; ils sont très vénéneux, surtout les derniers.

En classant par ordre les substances qui communiquent au sang sa toxicité, les matières minérales, et surtout la potasse provenant des aliments et de la désassimilation, tiendront le premier rang. Puis viendront lesproduits de la putréfaction intestinale, l’ammoniaque en tête ; enfin les produits organiques de la désassimilation avec le peu de bile qui est normalement résorbée.

Le sang impose cette toxicité physiologique aux produits de sécrétion et surtout aux urines ; dans l’économie, le rein est la soupape de sûreté pour les poisons ; et en pu thologie il est avéré, dans bon nombre de cas, qu’on peut conserver quelque espoir tant qu’il fonctionne suffisamment.

L.’auto-intoxication dans les maladies n’est que le corollaire de la doctrine qui vient d’être exposée. Au premier rang se placeront les maladies des reins. Le cancer, la dégénérescence tuburculeuse peuvent détruire ces organes, l’irritation de la colique néphrétique peut en suspendre les fonctions par voie réflexe ou par obturation de l’uretère (anurie caleuleuse) ; si la lésion est double, c’est-à-dire atteint les deux reins, le malade sera rapidement emporté par une auto-intoxication qu’on appelle urémie. Dans les néphrites aiguës, le.maximum des symptômes a lieu quand les urines sont le moins abondantes. Dans la maladie de Bright, les urines peuvent être copieuses, mais il y a néanmoins intoxication, parce que le filtre rénal altéré laisse passer l’eau en retenant les matières toxiques dans le sang. Le fait est tellement vrai, que ces urines injectées aux animaux ne les empoisonnent plus qu’à des doses considérables, ainsi que l’ont montré les professeurs Bouchard et Dieulafoy ; le malade a gardé Bon poison.

L’ictère ou jaunisse est un des symptômes fréquents des maladies du foie ; on sait qu’il est dû à l’imprégnation des tissus par la bile. Si la bile est si toxique, comment se fait-il ’ que l’ictère ne soit pas toujours mortel ? Assurément si l’on injectait en une seule fois dans le sang la quantité de bile qui imprègne certains ictériques, la mort serait rapide ; mais le passage de la bile hors de ses voies naturelles se fait alors lentement ; les fibres, les cellules fixent les redoutables matières colorantes, sauvegardant ainsi l’économie ; et pendant ce temps, le rein élimine tant qu’il peut les poisons. L’urine des ictériques est extrêmement toxique, convulsivante, mortelle à. 7 ou 10 grammes par kilogr. ; mais si par malheur le rein est malade, les produits biliaires ne vont plus être éliminés ; sous leur influence trop prolongée, les cellules, et notamment celles du foie, vont subir la dégénérescence graisseuse ; le foie ne va plus produire l’urée, ce diurétique puissant qui excitait encore le rein. Dans cet ictère aggravé, le résultat des phénomènes va être une auto-intoxication mixte, par rétention des produits normaux de désassimilation qui ont continué à se fabriquer, et des produits morbides dus k la désintégration des éléments frappés de mort qui ont mis leur potasse en liberté. Les urines de ce malade ne seront pas convulsivantes, mais c’est le malade qui aura des convulsions. Ainsi la connaissance de la multiplicité des agents toxiques permet de comprendre les formes cliniques multiples que peut revêtir une intoxication : convulsivante, comateuse, etc.

La notion des poisons intestinaux explique de même les symptômes d’un grand nombre de maladies du tube digestif. L’embarras gastrique, avec ses maux da tête, ses bourdonnements d’oreilles, semble dû a des fermentations putrides. Senator’a vu des indigestions graves dont les symptômes étaient dus à l’acide sulfhydrique, qui pouvait être décelé chimiquement dans l’haleine et les urines. Lepine et Molière de Lyon ont vu un cas d’occlusion intestinale accompagné d’éruption scarlatiniforme comme dans l’empoisonnement par l’atropine. La dilatation de l’estomac fournit un des exemples les plus probants. Les renvois acides et gazeux, l’acidité des matières fécales témoignent des fermentations putrides les plus accentuées. La liste des symptômes qu’on peut attribuer à l’intoxication est longue : abattement, céphalée, hallucinations de la vue et de l’ouïe, engourdissement et contractures, aphasie transitoire, éruptions cutanées et troubles trophiques des os, nodosités des doigts, etc.

Dans les maladies aiguës, l’augmentation de ia toxicité des urines fait voir que, même l’alimentation supprimée, la désassimilation est plus forte ; toutes ces urines sont convulsivantes. Si le rein fonctionne, tout va’

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