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abandonnée, peut-être à cause de son éloigneraient du centre de la capitale ; on la supprima définitivement en 1789. Aujourd’hui, sur son emplacement, s’élève un bâtiment en pierres de taille où se tient un marché perpétuel. Les religieux de Saint-Giermain-des-Prés jouissaient, dès les temps les plus reculés, du droit de foire ; mais, au xiie et au xiiie siècle, les rois réussirent à se faire céder, de gré ou de force, par l’abbé, les revenus de cette fête, qui, tous les ans, commençait quinze jours après Pâques, pour se prolonger pendant trois semaines dans le bourg de Saint-Germain. Après cette cession, la foire fut transférée, élu territoire de l’abbaye aux halles.

Cruellement éprouvés pendant les règnes de Charles VI et de Charles VII, les religieux demandèrent à Louis XI l’autorisation d’établir de nouveau dans leur faubourg une foire franche. Le roi leur accorda ce droit par lettres patentes du mois de mars 1482. Après de longs débats avec les religieux de Saint-Denis, qui craignaient pour leur Landit une concurrence redoutable, la durée de ce marché fut d’abord fixée à huit jours, mais prolongée ensuite considérablement. Ouverte le 3 février, la foire se continuait pendant tout le carnaval, et ne finissait que la veille du dimanche des Rameaux. Cette grande réunion, très-profitable aux moines et abbés de Saint-Germain-des-Prés, était, d’un autre côté, assez préjudiciable à la morale publique. Le 7 février 1595, lorsqu’elle fut ouverte de nouveau, après les calamités de la Ligue, « on disoit que le roi s’y trouveroit ; mais il n’y alla point. Le duc de Guise et Vitry coururent les rues avec dix mille insolences. » C’est l’Estoile qui parle. « Le 10 février, continue-t-il, le duc de Nemours et le comte d’Auvergne allèrent à la foire de Saint-Germain, où ils commirent de nombreuses insolences ; un avocat y fut bien battu par les gens du comte d’Auvergne. Le roy s’y rendit quelques jours après, marchanda plusieurs bijoux d’un grand prix, n’acheta rien, si ce n’est un drageoir d’argent mathématicien où étaient gravés les douze signes du ciel. Il le donna à son fils César. » « — Pendant la foire de Saint-Germain de cette année (1605), dit le même auteur, où le roy alloit ordinairement se promener, se commirent à Paris des meurtres et excès infinis, procédants des débauches de la foire, dans laquelle les pages, laquais, écoliers et soldats des gardes firent des insolences non accoutumées, se battant dedans et dehors, comme en petites batailles rangées, sans qu’on y pût ou voulût donner ordre… Les débauches, qui sont assez communes en matière de foire, furent extraordinaires en icelle, laquelle néanmoins on prolongea jusqu’en carême prenant. » La foire de Saint-Germain renfermait plusieurs académies de jeux, où le roi, les princes, les seigneurs venaient risquer leur fortune ou celle des autres et contre lesquelles le parlement lança des arrêts inutiles. On y trouvait aussi des salles de danse, véritables marchés de débauches. La foire était franche ; on permettait non-seulement aux forains, aux étrangers, d’y étaler, mais encore les marchands qui n’étaient pas maîtres pouvaient y venir sans crainte d’être inquiétés par les jurés de la ville. Les boutiques étaient occupées par des merciers, des orfèvres, des lingères, des confiseurs, des cabaretiers, etc. Ce fut là que s’établit le premier café public ; en outre des théâtres forains, des curiosités de toute espèce rendaient cette foire très-animée (v. l’article ci-après). À côté du marché, où l’on vendait toutes choses, excepté des livres et des armes, se trouvait un enclos extérieur, au préau très-vaste, pour les toiles, les draps, les carrosses, etc., et un champ crotté où champ de foire pour les bestiaux. Les cent quarante huches ou logis des marchands, construites d’abord en 1486, puis rétablies par ordre du cardinal Briçonnet, en 1511, occupaient le terrain où s’élève aujourd’hui le marché Saint-Germain et s’étendaient jusqu’à l’extrémité de la rue de Tournon, et aux environs du Luxembourg et de Saint-Sulpice. Elles formaient neuf rues qui se coupaient a angles droits et se trouvaient abritées par une charpente immense, construction justement admirée pour sa hardiesse. Au bout des halles était une chapelle où l’on disait tous les jours la messe pendant la durée de la foire. Les rues se distinguaient par les noms des métiers dont on y trouvait les étalages. Tout cela fut consumé dans la nuit du 18 au 17 mars 1762 par un incendie. L’année suivante, on reconstruisit cent loges ; mais cette foire fut loin de valoir l’ancienne. La magnifique charpente ne fut pas rétablie ; seulement quelques unes des rues furent abritées par des vitraux et durent alors ressembler un peu aux brillants passages que l’on prétend avoir inventés depuis. L’établissement des galeries du Palais-Royal nuisit beaucoup à la prospérité de la foire Saint-Germain. L’année 1789 fut la dernière où le lieutenant de police, assisté des officiers du Châtelet, des syndics de la foire et des gardes-marchands, vint, le 3 février à dix heures du matin, à haute voix crier devant une foule joyeuse, entre deux fanfares retentissantes : « Messieurs, ouvrez vos loges. »

C’est probablement aux redevances de viande de porc, payées en certaines occasions au clergé de Paris, qu’il faut rapporter l’origine de la foire aux jambons, qui appartenait à l’évêché et au chapitre de Notre-Dame. De temps immémorial, ce marché, où les forains et les charcutiers de la ville étaient également reçus, se tenait chaque année le jeudi, et, depuis 1684, le mardi de la semaine sainte, au parvis de Notre-Dame. Depuis plusieurs années, il a été transféré boulevard Richard-Lenoir. Il est à remarquer que, tandis que les autres foires disparaissent peu à peu ou vont toujours en diminuant, celle-ci voit s’accroître tous les ans son importance et sa prospérité. V. jambon.

La foire du Temple où l’on vendait principalement de la mercerie et des fourrures, etc., ouvrait le jour de la Saint-Simon et Saint-Jude, et appartenait au grand prieur de France. Plus récente que toutes ces foires, celle qui était placée sous le patronage de saint Ovide, se tint d’abord place Vendôme, ensuite place Louis XV. Le pape ayant donné, en 1685, au duc de Créqui, le corps de saint Ovide, ce gentilhomme en fit présent aux capucines de la place Vendôme. Depuis, ces religieuses célébrèrent la fête du saint et exposèrent ses reliques, que visitèrent chaque année un grand nombre de fidèles. Plusieurs marchands, attirés par l’affluence, étalèrent leurs marchandises devant l’église. En 1761, une ordonnance de police les obligea à s’établir sur la place Vendôme, où on leur construisit de petites baraques de charpente. Cette foire s’ouvrait le 31 août et durait un mois. De nombreux amateurs s’y rendaient le soir et y restaient jusqu’à la nuit. Cette foire fut transférée, au mois de juillet 1771, sur la place Louis XV ; mais elle n’y resta pas longtemps ; le feu prit aux baraques et les consuma entièrement dans la nuit du 22 au 23 septembre 1777. Les directeurs de spectacles Audinot, Nicollet et les autres, donnèrent plusieurs représentations au bénéfice des incendiés, et ce fut le premier exemple de confraternité de ce genre. Après le désastre, le marché Saint-Ovide fut supprimé et l’on s’occupa de rétablir celui de Saint-Laurent.

Si de la capitale nous passons aux provinces, nous trouvons les foires de Champagne en tête des marchés les plus fameux du royaume. Ces foires étaient plus anciennes que le comté même, car il en est fait mention dès l’an 427, dans une lettre de Sidoine Apollinaire à saint Loup. Elles se perpétuèrent toujours florissantes sans que personne gênât leurs transactions. Une ordonnance de Philippe le Bel est le titre royal le plus ancien qui les concerne ; cette ordonnance, se mêlant de régler l’intérêt qu’on y payait, devint fatale à leur prospérité. Ces institutions devinrent fort productives pour les comtes du pays, quoique les droits n’en fussent pas réservés à eux seuls, et se partageassent entre un grand nombre de personnes nobles. En 1290, par exemple, elles rapportaient au comte : celle de mai, à Provins, laquelle s’ouvrait le mardi avant l’Ascension, 1,225 liv. 12 s. 1 d. ; celle de Saint-Ayoul, dans la même ville, ouverte le 16 septembre, jour de l’Exaltation de la croix, 1,154 l. ; celle de Saint-Jean, à Troyes, 1,275 l. 18 s. ; celle de Saint-Rémy, dans la même ville, 1,396 l. 8 s. 4 d. ; celle de Lagny, 1,813 l. 7 s. 8 d. ; celle de Bar, 1,140 l. 13 s. 5 d. « Il était facile d’obtenir, dit M. Bourquelot, dans son Histoire de Provins, des sommes considérables en taxant même à bas prix les différentes marchandises qui se fabriquaient dans le pays ou qu’on apportait du dehors ; mais les comtes de Champagne, tout en cherchant à tirer le plus d’argent possible des marchands, s’attachaient en même temps à ne pas les éloigner pour l’avenir par la privation d’un droit légitime, et réclamaient avec chaleur contre tout acte commis à leur préjudice. Un jour, les changeurs de Vézelay venant aux foires de Provins, furent dévalisés sur le chemin du roi, entre Sens et Bray, par Garin, fils de Salo, vicomte de Sens ; aussitôt le comte Thibaut le Grand écrit à l’abbé de Saint-Denis, Suger, à qui Louis VII avait remis le gouvernement de son royaume, pour lui faire connaître le dommage et l’affront qu’il a reçus, et lui demander justice. « Il faut, dit-il, que vous ordonniez à Salo, qui est sous votre main, de rendre sans délai ce qui a été enlevé aux changeurs ; car je ne laisserai pas sans vengeance une injure qui ne tend à rien moins qu’à la destruction de mes foires, Provins surtout méritait la sollicitude des comtes ; la réputation de ses foires était universelle. Outre la toile, les draps, etc., il s’y vendait du fer, des feutres, des cuirs, dont le commerce y est seul resté florissant, des poteries, de la cire, puis des produits exotiques, tels que poivre du Brésil, citrons, gingembre, cannelle, girofle, anis, alun, fourrures et beaucoup d’autres. Les villes de commerce de la France et de l’étranger envoyaient à ses foires leurs nombreux marchands ; les Italiens, versés bien avant nous dans la science de la banque, faisaient, dès le xiiie siècle, le commerce d’argent aux foires de Champagne, et introduisaient par cette voie, dans le royaume, les coutumes commerciales de leur pays. Tandis que les juifs viennent aux foires pour s’enrichir par l’usure, les Italiens s’y livrent à des opérations plus utiles ; le pape protège leurs actes, et lorsqu’ils réclament auprès de lui pour quelque lésion de leurs intérêts, nous le voyons aussitôt lancer une menace d’excommunication contre ceux dont ils ont à se plaindre. Aussi, sous, l’égide pontificale, les Lombards, les Florentins, les marchands de Sienne et de Rome fréquentèrent longtemps les foires de Provins. Puis c’étaient des Allemands, des Hollandais, dont quelques rues de la ville conservèrent les noms ; des Flamands, qu’on trouve déjà mentionnés dans une charte de 1137. Enfin Aurillac, Toulouse, Cambrai, Reims, Troyes, Limoges, Bar-sur-Seine, Rouen, Châlons, Arras, entretenaient avec Provins de fréquentes relations de commerce, et chacune de ces villes avait dans la capitale de la Brie des magasins pour mettre en sûreté ses marchandises, des hôtels pour loger ses voyageurs, des halles pour étaler. Louis le Hutin, en établissant des droits sur tout ce qui pouvait s’acheter et se vendre, en interdisant tout trafic avec les Flamands, les Génois, les Italiens et les Provençaux, qui avaient Troyes pour entrepôt de leur commerce avec la Flandre, commença la ruine des foires de cette ville. Charles le Bel, Philippe de Valois, Charles VI, Henri VI, roi de France et d’Angleterre, et Charles VII, rendirent des ordonnances pour arrêter le mal. » D’après une ordonnance rendue par Philippe de Valois, au mois de juillet 1344, tous les négociants étrangers, même les mécréants, pouvaient amener en franchise leurs produits aux foires de Champagne. Toute garantie était donnée, tant à leurs personnes qu’à leurs biens ; des inspecteurs parcouraient les étalages pour s’assurer s’il n’y avait pas de marchandises défectueuses ; quarante notaires des foires écrivaient et scellaient les obligations contractées ; un tribunal particulier, celui des gardiens des foires de Champagne, décidait sommairement et sans appel, avec six ou huit assesseurs choisis parmi les principaux marchands, toutes les causes nées dans le marché. Enfin, pour attirer plus sûrement les chalands du dehors, les drapiers des dix-sept villes les plus industrieuses du royaume ne pouvaient vendre leurs draps chez eux qu’après les avoir exposés en vente aux foires de Champagne. Charles VII chercha à relever ces foires en leur donnant, par une ordonnance du 19 juin 1445, deux franchises de de dix jours, l’une pour l’hiver, l’autre pour l’été, en faveur de tous les forains qui s’y rendaient ; mais les foires de Lyon qu’il fonda en même temps pour venir en aide à cette grande ville, dépouillée par la guerre des deux tiers de ses habitants, et que Louis XI confirma en 1463, firent une concurrence funeste aux foires de Champagne, et achevèrent de leur enlever tout leur éclat. Les tracasseries fiscales, jointes aux alarmes et aux pillages de la guerre intérieure, hâtèrent leur chute. Pour leur rendre un peu de vie, il fallut abolir les marchés de Lyon. En 1486, des quatre foires franches de cette ville, qui duraient vingt jours chacune, deux furent transférées à Bourges et deux à Troyes ; mais les foires de Champagne tombèrent dès que Lyon eut obtenu de rouvrir les siennes . Au temps de leur prospérité, le crédit des négociants de Troyes était si bien établi, qu’en diverses occasions, des princes étrangers les acceptèrent pour caution de sommes considérables qui leur étaient dues, en vertu des traités conclus avec les rois de France. En considération de l’importance du commerce de la Champagne, quelques nobles faisaient du commerce sans croire pour cela déroger. Les coutumes de la province distinguaient deux espèces de nobles : les uns vivant noblement, c’est-à-dire aux dépens des autres, les autres marchandement, c’est-à-dire en produisant, et celle-ci n’était pas la plus honorée. Le commerce de Bourges n’avait pas attendu, pour devenir florissant, la translation de l’ancienne foire de Lyon. Cette ville avait des marchés très-fréquentés dès l’année 1012. On y vendait alors beaucoup de draps et de laines.

Le Midi possédait aussi des foires importantes ; des hanses particulières y étaient établies, entre Montpellier, Beaucaire et les principales villes, comme entre Paris et les cités commerçantes du Nord. En 1322, une foire de huit jours fut instituée à Nîmes. Elle commençait le lundi qui précède la mi-carême. Le privilège demandé par les habitants prouva que leur commerce était alors florissant. Des négociants lombards et toscans, qui demeuraient à Montpellier, étaient, en effet, venus, sous Philippe le Hardi, s’établir à Nîmes, où le roi leur avait accordé des privilèges considérables. Philippe IV avait aussi encouragé le commerce de cette ville ; c’était sous ce règne que les négociants nîmois avaient conçu le projet d’un canal pour joindre leur ville à la Méditerranée. Sous Charles VI, ils obtinrent encore les foires dites de Saint-Michel et de Saint-Basile.

De ce qui précède, il ne faudrait pas conclure que les grandes villes seules eussent anciennement des marchés régulièrement établis. L’histoire municipale des moindres villes du royaume présente, au moyen âge, des règlements précis sur la tenue des foires. Ainsi, les registres des délibérations du conseil de Sisteron portaient que, toute personne étrangère, hors les voleurs et les meurtriers, pourrait venir en sûreté dans la ville pendant les foires ; qu’un local particulier était assigné à chaque sorte de marchandise et aux diverses espèces de bestiaux ; que celui qui exposerait en vente des animaux malades serait puni de la confiscation et de 100 livres d’amende ; que les marchands de la ville eux-mêmes abandonneraient leurs boutiques pour aller étaler au marché commun, etc. La foire du Pré, à Rouen, était très-fréquentée dès le xive siècle ; le prieur et les religieux de Notre-Dame-du-Pré en faisaient l’ouverture, montés sur de grands chevaux. On y portait toutes les marchandises de la ville, et on ne pouvait vendre ou acheter que dans ses limites.

Le marché de Noyal-Pontivy était un des plus fréquentés de la Bretagne ; les détails qui vont suivre sur les anciennes coutumes de cette foire donneront une idée assez juste des règles générales de ces institutions dans l’ancienne France. Elle remontait à une haute antiquité, et était franche et exempte de tous droits d’entrée. « On y observoit, dit Ogée, dans son Dictionnaire de la Bretagne, des coutumes singulières. Tout marchand qui auroit osé vendre, avant que le receveur de la vicomté de Rohan ou autre commis du vicomte eût porté le gant levé, auroit vu toutes ses marchandises confisquées au profit du seigneur. Les marchands faisoient ensuite passer tous leurs chevaux en revue devant le vicomte ou son commis, et celui-ci prenoit ceux qu’il vouloit au prix fixé par son écuyer ou par son maître d’hôtel. Si quelqu’un vendoit avant que ces formalités fussent remplies, l’animal vendu était confisqué sur-le-champ au profit du vicomte. Ce seigneur de Rohan tenoit à la foire ses plaids généraux et y jugeoit toutes les causes dans les cours ou sièges du ressort de Pontivy, de Corlai, de Loudéac et de Baud. Les différends qui s’élevoient entre les marchands étoient jugés sur-le-champ, de préférence à toute autre matière, depuis le commencement jusqu’à la fin de la foire, qui duroit plus de quinze jours à partir du 1er juillet. Enfin les habitants de la paroisse estoient tenus de faire le guet pendant la nuit pour la sûreté des marchandises. » Quelques foires de cette même province, où se perpétuèrent si longtemps les vieilles traditions, offraient des particularités non moins curieuses sous d’autres rapports. L’auteur que nous venons de citer donne, par exemple, une description intéressante de la foire de Guingamp. « Cette foire, dit-il, sous le nom d’an-avalon ou foire des pommes, remonte, suivant un titre de 1490, déposé dans les archives du Château de Carnaba, à un temps immémorial. Les différents droits dus par les marchands au titulaire de cette seigneurie sont stipulés dans un aveu rendu en 1705 au duché de Penthièvre. Voici les plus curieux de ces droits : ce seigneur envoyoit à Guingamp, le 29 août de chaque année, un de ses officiers pour percevoir 4 deniers sur chaque pochée de pommes qui se vendait à la foire. Il prenait le même jour possession des portes de la ville, dont les clefs restaient entre ses mains pendant dix-sept jours. Pendant ce temps, il levait une coutume sur toutes les marchandises étalées dans la ville. Les traiteurs et aubergistes lui devaient un pâté haut et large de 2 pieds. Ils le lui portaient en grande cérémonie le 14 septembre. Quant au nom de cette foire, il venait de l’usage où l’on était de jeter des pommes à ceux qui faisaient, au nom du seigneur, l’ouverture du marché. Ils étaient ainsi assaillis, à la Maison-Blanche d’abord, où ils commençaient leur cérémonie, puis à toutes les portes de la ville ». C’était surtout dans les pays de montagnes que ces grands marchés exerçaient une salutaire influence, en facilitant tour à tour, sur chaque, point, l’écoulement des produits locaux. Aussi le Velay suivait-il, à l’égard de ces rendez-vous commerciaux, des coutumes fort anciennes, successivement régularisées par le roi Philippe en 1345, par les administrateurs consulaires du chef-lieu de la province, par des lettres de Charles VIII, défendant d’arrêter qui que ce fût pendant les foires du Puy, etc. Cette ville avait, en effet, une foire fameuse qui se tenait à l’époque des Rogations et dont les guerres civiles du xvie siècle amenèrent la décadence. Au reste, les foires anciennes étaient établies, moins suivant les besoins de la population, que suivant les hasards de la féodalité. Aujourd’hui encore, dans plusieurs provinces, tel canton n’en a pas assez, parce qu’il ne possédait qu’un fief subalterne ; tandis que tel autre en a beaucoup trop, parce qu’il dépendait d’un puissant seigneur. Parmi celles qui subsistent encore aujourd’hui avec éclat, nous devons mentionner celle de Beaucaire. Cependant, par suite de l’établissement des chemins de fer, cette foire si fameuse n’est plus ce qu’elle a été, Les marchands l’ouvrent le 1er  juillet. Le marché s’anime vers le 15 ; mais le 21 seulement le préfet en proclame l’ouverture officielle. On étale dans l’intérieur de la ville et dans une vaste prairie bordée d’ormes et de platanes, et située le long du Rhône. Là s’élèvent des milliers de cabanes et de tentes ; là se réunissent les négociants de tous les pays, principalement d’Espagne, d’Italie et d’Orient. La variété infinie des costumes, la diversité des étalages et des enseignes de boutiques présentent le coup d’œil le plus curieux. Un tribunal de douze membres, connu sous le nom de Tribunal de conservation, est chargé de juger, tous les procès survenus entre les marchands forains. Enfin la foire se termine le 28 juillet à minuit ; il s’y fait encore aujourd’hui un chiffre d’affaires considérable. Ces grands marchés, reste des nécessités d’un commerce dans l’enfance, tendent à se perdre peu à peu. Aujourd’hui que les communications deviennent de plus en plus faciles et