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croy l’injure de défendre sa mémoire. Bornons-nous à citer les paroles de Cuvier à ce sujet : «Si, dit-il, dans les sévères recherches que nous avons faites, nous avions trouvé la moindre preuve d’une si horrible atrocité, aucune puissance humaine ne nous aurait contraint de souiller notre bouche de son éloge, d’en faire retentir les voûtes de ce temple, qui ne doit pas être moins celui de l’honneur que celui du génie. » Espérons que l’avenir viendra laver entièrement la mémoire de Fourcroy d’un crime qui, au reste, n’avait pas sa raison d’être et dont, pour ce motif, il est plus sage de rejeter l’hypothèse.

À partir du 9 thermidor, Fourcroy prit dans l’État une importance plus grande, soit à la Convention comme membre du comité de l’instruction publique, soit au conseil des Anciens. Il fut l’un des promoteurs de la réorganisation du Muséum d’histoire naturelle et des Écoles de médecine, qui prirent momentanément le nom d’Écoles de santé, et eut part à la fondation des Écoles centrales, de l’École normale et de l’École polytechnique. Nommé conseiller d’État par le premier consul, il fut naturellement appelé à donner ses conseils, lors de la création de l’Institut, dont il fut l’un des premiers membres. À partir de cette époque, il fut principalement chargé de la réorganisation des établissements d’instruction publique dans les départements. Cinq ans à peine lui suffirent pour créer douze écoles de droit, ériger plus de trente lycées et relever ou établir plus de trois cents collèges.

« Infatigable dans son cabinet comme dans son laboratoire, Fourcroy, dit Cuvier, qui se trouvait alors placé sous ses ordres, passait les jours et une grande partie des nuits au travail ; il ne se reposait en entier sur aucun de ses subordonnés, et les moindres règlements qui sortaient de ses bureaux avaient été conçus et mûris par lui-même.

« Il portait une affection particulière aux élèves qui recevaient du gouvernement le bienfait d’une éducation gratuite. Il semblait toujours avoir présents à la mémoire les malheurs de sa propre jeunesse, et se rappeler ce qu’il devait aux personnes qui l’avaient secouru dans ses études. »

Ses nouveaux devoirs ne l’éloignaient pas, d’ailleurs, de ceux qu’il avait contractés antérieurement. Jamais il n’interrompit ni ses leçons ni ses travaux de laboratoire.

Des occupations aussi multipliées finirent par ébranler tout à fait une organisation qui n’avait jamais été que débile. Des palpitations de cœur lui annoncèrent sa fin deux ans à l’avance, et il ne s’y trompa pas un seul instant. Il mourut subitement, le 16 décembre 1809, en signant quelques dépêches.

Patient et courageux à l’excès dans sa jeunesse, il avait joui paisiblement de ses succès dans son âge mûr ; mais la fin de sa carrière sembla troublée par un besoin immodéré de louanges et d’honneurs. Le chagrin de se voir préférer Fontanes, comme grand maître de l’Université, aurait, paraît-il, avancé sa fin. L’empereur lui avait conféré, peu de jours avant sa mort, le titre de comte avec le brevet d’une dotation de 20,000 francs de rente.

Outre les ouvrages que nous avons déjà cités, Fourcroy a laissé : Essai sur le phlogistique et les acides (1788) ; la Médecine éclairée par les sciences physiques (1791) ; Philosophie chimique (1792) ; enfin Tableaux synoptiques de chimie (1805).


FOURCROYA s. m. (four-kroi-ia — de Fourcroy, chim. fr.). Bot. Genre de plantes, de la famille des amaryllidées, comprenant plusieurs espèces qui croissent dans l’Amérique du Nord.

— Encycl. Le genre fourcroya, formé aux dépens des agaves, s’en distingue surtout par son périanthe à six folioles distinctes. La plus remarquable est le fourcroya gigantesque ou agave fétide, connu aussi sous les noms vulgaires de pitte ou aloès pitte. Cette plante est pourvue d’une tige portant trente ou quarante feuilles longuement lancéolées, rudes au toucher, non épineuses sur les bords ou munies tout au plus de quelques épines à la base ; ces feuilles sont moins épaisses et plus étalées que celles de l’agave d’Amérique. Du centre de l’élégant faisceau qu’elles forment s’élève une hampe qui peut atteindre la hauteur de 8 à 10 mètres, et porte à son sommet une grande panicule, une sorte de candélabre, composé de trente à quarante rameaux portant des fleurs blanches, pendantes, d’une odeur fétide. À ces fleurs sont mêlées souvent des bulbilles prolifères, qui peuvent servir à reproduire la plante. Cette espèce, originaire de l’Amérique centrale, a été introduite en France depuis environ un siècle. Elle fleurit pour la première fois, au Jardin des Plantes de Paris en 1793 ; elle ne réussit bien en plein air que dans les régions méridionales ; dans le Nord, on est obligé de la tenir, durant l’hiver, en orangerie ou mieux en serre tempérée. Ses feuilles fournissent une filasse plus abondante, plus fine et plus souple que celle de l’agave d’Amérique ; mais il faut nécessairement employer le rouissage pour l’extraire.


FOURDAINE s. f. (four-dè-ne). Bot. Nom vulgaire du prunellier. || On dit aussi fourdainier s. m.


FOURFIÈRE s. f. (four-fiè-re — abrév. de fourche fière, du lat. furca, fourche, et ferrea, de fer). Agric. Sorte de fourche à deux dents qui sert à charger les gerbes et les bottes de foin sur les voitures ou dans les granges. || On dit aussi fourche fière.

FOURGAT s. m. (four-ga). Argot. Receleur.

— Encycl. Le fourgat est le marchand, recéleur en boutique, en magasin on seulement en chambre, chez lequel les voleurs déposent et vendent les objets volés. Ils entrent par une porte, reçoivent le prix des objets qu’ils ont apportés et sortent par une autre. « Plusieurs négociants de Paris, dit Vidocq, en apparence très-recommandables, sont connus pour acheter habituellement aux voleurs ; mais, comme il n’a pas encore été possible de les prendre, personne ne s’est avisé de leur dire que le métier qu’ils faisaient n’était pas des plus honnêtes. Comme on le pense bien, les marchandises achetées par les fourgats ne conservent pas longtemps leur physionomie primitive ; les bijoux d’or ou d’argent sont immédiatement fondus ; le chef d’une pièce de drap est enlevé ou détruit ; certains fourgats savent, en moins de vingt-quatre heures, dénaturer assez un équipage entier, voitures, harnais, chevaux même, pour qu’il soit impossible à celui à qui il appartenait primitivement de le reconnaître. Un bruit populaire, ajoute l’ancien chef de la police de sûreté, accusait certain joaillier, maintenant retiré du commerce, d’avoir en permanence, dans ses ateliers, des creusets dans lesquels il y avait toujours des matières en fusion, où toutes les pièces de métal, dont l’origine pouvait paraître suspecte, étaient mises aussitôt qu’elles étaient achetées. Les fourgats choisissent ordinairement leur domicile dans une rue où il est difficile d’établir une surveillance. Ils sont complaisants, bons voisins, et cherchent à se concilier la bienveillance de tout le monde. »

Les voleurs sont volés par les fourgats, qui ne craignent pas de leur payer 100 francs ce qui vaut quatre fois autant. Aussi les fourgats habiles font-ils assez vite fortune ; ils se retirent au bout d’un certain temps, et vivent dans l’aisance, quelquefois environnés de l’estime publique, tandis que ceux aux dépens desquels ils se sont enrichis les attendent vainement dans les prisons et dans les bagnes.

FOURGON s. m. (four-gon). Art milit. Espèce de charrette couverte, ordinairement à quatre roues, employée pour le transport des vivres, des munitions, des bagages, des blessés.

— Mar. Se dit quelquefois pour fougon.

— Techn. Longue perche terminée, à l’une de ses extrémités, par une tige de fer aplatie, qui sert à remuer le bois enflammé et à le pousser dans les différentes parties du four. || Outil qui sert à pousser le charbon de terre dans le foyer. || Tige de fer qui sert à remuer le charbon de terre dans la grille et à faire tomber les cendres.

FOURGONNER v. n. ou intr. (four-go-né — rad. fourgon). Remuer le feu ou le bois du four avec le fourgon.

— Par anal. Remuer, déplacer, avec les pincettes ou le fourgon, le bois ou le charbon qui brûlent dans un foyer : Aimer à fourgonner.


FOURICHON (Martin), marin et homme d’État français, né près de Périgueux en 1809. Admis à l’Ecole navale en 1824, il en sortit deux ans après comme aspirant, et devint successivement enseigne en 1829, lieutenant de vaisseau en 1833, capitaine de corvette en 1843 et capitaine de vaisseau en 1848. Il fut ensuite nommé gouverneur de Cayenne (1852), d’où il demanda à être rappelé, regardant le succès de la colonisation par transportation comme impossible. A son retour de cette colonie, ou son administration laissa d’excellents souvenirs, il reçut le grade de contre-amiral (1853) et fut fait commandeur de la Légion d’honneur. Après avoir exercé pendant quelques années les fonctions de major général de la marine à Brest, il reçut le commandement de la station navale de l’océan Pacifique, fut ensuite envoyé à Alger comme directeur de la marine, puis nommé membre du conseil d’amirauté, dont il devint bientôt le président, avec le grade de vice-amiral (1859). M. Fourichon reçut le commandement de l’escadre d’évolution de la Méditerranée au début de la guerre avec la Prusse (juillet 1870). Envoyé avec son escadre dans la mer du Nord, il se trouvait à Wilhemshafen, à bord de la Magnanime, lorsque éclata la révolution du 4 septembre 1870, qui mit fin au règne de Napoléon III. Le gouvernement de la défense nationale le nomma ministre de la marine. Peu après, lorsque, le 12 septembre, le gouvernement envoya MM. Crémieux et Glais-Bizoin à Tours pour organiser la défense dans les départements et y exercer l’administration, M. Fourichon leur fut adjoint pour remplir les doubles fonctions de ministre de la guerre et la marine. L’idée de subordonner l’autorité militaire à l’autorité civile ayant prévalu dans le sein de la délégation gouvernementale, l’amiral Fourichon se démit du portefeuille de la guerre (3 octobre), tout en restant ministre de la marine et membre du gouvernement, et il s’associa, à ce dernier titre, à tous les actes de la délégation qui siégea successivement à Tours et à Bordeaux jusqu’à la convocation d’une Assemblée nationale (8 février 1871). Le rôle qu’il joua dans ces douloureuses circonstances fut assez effacé. Dans un moment où il s’agissait d’organiser toutes les forces vives du pays contre la plus formidable des invasions, M. Fourichon, à l’exemple de MM. Crémieux et Glais-Bizoin, manqua de l’énergie et de l’esprit d’initiative qu’exigeait si impérieusement la situation. La marine, dont le rôle avait été nul depuis le début de la guerre, continua, sous sa gestion, à ne point répondre aux espérances qu’avait mises en elle le pays ; et l’on vit des navires allemands, croisant impunément sur nos côtes, se livrer à d’audacieuses captures jusque dans les eaux de la Gironde. Toutefois, il est juste de dire que les marins, officiers et soldats ne restèrent point inactifs, car on les vit, joints à nos armées de terre, donner partout les preuves de leur brillante valeur et se couvrir de gloire. Lors des élections pour l’Assemblée nationale (8 février 1871), M. Fourichon fut élu député de la Dordogne. Il donna sa démission de ministre de la marine en même temps que tous ses collègues de la défense nationale (13 février), et fut remplacé par l’amiral Pothuau.


FOURIER (Pierre), dit de Mataincourt, réformateur de l’ordre des Prémontrés, né à Mirecourt (Lorraine) en 1565, mort à Gray en 1640. Il entra, en 1585, chez les chanoines réguliers de l’abbaye de Chaumousey, près d’Epinal. Là, il se signala par sa piété et par son austérité qui furent très-mal vues des autres religieux dont la vie était fort relâchée, et, forcé de quitter le monastère, il devint curé de Mataincourt. Fourier institua les religieuses de la congrégation de Notre-Dame, pour tenir des écoles de filles ; il fut chargé, en 1621, par l’évêque de Toul, en vertu d’un bref de Grégoire XV, de réformer l’ordre des chanoines réguliers de Prémontré, et fonda, en 1623, une nouvelle congrégation sous le nom de Saint-Sauveur. Après l’invasion de la Lorraine par la France en 1634, Fourier se retira à Gray, où il termina ses jours. Il est auteur des statuts des deux congrégations fondées par lui et il a laissé un grand nombre de lettres qui n’ont point été publiées. Fourier fut béatifié à Rome en 1650. Son tombeau est aujourd’hui un lieu de pèlerinage.


FOURIER (Jean-Baptiste-Joseph, baron), un des plus grands géomètres du XIXe siècle, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences et l’un des quarante de l’Académie française, né à Auxerre le 21 mars 1768, mort à Paris le 16 mai 1830.

M. Duché, docteur à Ouaine, qui a consacré une très-intéressante notice biographique au savant géomètre, nous fournit sur la jeunesse de Fourier les détails suivants : « Son père, dit M. Duché, était simple tailleur et sa famille originaire de Lorraine. Il comptait parmi ses ascendants un personnage considérable au XVIIe siècle, Pierre Fourier, chef et réformateur des chanoines réguliers de la congrégation de Notre-Dame. La vie de ce révérend Père a été écrite par le chanoine Jean Bédel, en 1866. Notre Fourier devint orphelin de bonne heure, et ses parents, morts pauvres, ne lui laissèrent en perspective que la misère. Il n’avait guère que huit ans, lorsqu’il fut recueilli par l’organiste Pallais, maître de musique à la cathédrale d’Auxerre et directeur d’un pensionnat secondaire. Il en reçut les premiers éléments du français et du latin. Ses heureuses dispositions le firent remarquer, et, à la recommandation d’une bonne dame de la ville, l’évêque, Mgr de Cicé, le fit admettre à l’école militaire d’Auxerre, alors sous la direction des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Là, ses aptitudes se développèrent sur une plus vaste échelle. Fourier s’y distingua par l’heureuse facilité et la vivacité de son esprit. Il était toujours à la tête de sa classe, et cela presque sans efforts et sans que les jeux et la légèreté de son âge perdissent rien à ses succès ; mais, quand il arriva aux mathématiques, il se fit en lui un subit changement. Il devint appliqué et se livra à l’étude avec un zèle et une constance remarquables. Pendant la journée, il faisait une ample provision de bouts de chandelle, à l’insu de ses maîtres et de ses camarades, et, la nuit, quand tout le monde dormait, il se réveillait, descendait sans bruit dans la salle d’étude, s’enfermait dans une armoire, allumait ses bouts de chandelle et, là, passait de longues heures sur des problèmes de mathématiques. »

Ne pouvant entrer dans les armes spéciales, génie ou artillerie, qui étaient alors réservées à la noblesse, Fourier prit l’habit de novice à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, qu’il quitta dès les premières lueurs de la Révolution pour occuper la chaire de mathématiques dans l’école même où il avait été élevé.

L’instruction de Fourier fut complétée à Paris, où il se rendit à la fin de 1789 pour lire à l’Académie des sciences son premier Mémoire sur la résolution des équations numériques, problème qui l’a depuis occupé toute sa vie, et sur lequel il a répandu tant de lumière.

Il avait embrassé avec enthousiasme les principes de la Révolution, et, à son retour à Auxerre, il prit une part active aux événements ; il exerçait un ascendant presque irrésistible sur la Société populaire de sa ville natale. À sa voix éloquente, le contingent assigné au chef-lieu de l’Yonne dans la levée de 300,000 hommes, se forma dans l’enceinte même de l’assemblée, et partit aussitôt pour la frontière.

La Terreur n’avait pas refroidi l’ardeur de ses sentiments républicains ; mais, pendant cette douloureuse période, Fourier, loin de se laisser aller aux entraînements du moment, employa son énergie à sauver quelques victimes. Il porta, devant le tribunal révolutionnaire, le secours de son talent à la mère de celui qui devait être le maréchal Davout, et la fit absoudre. Il eut l’audace d’enfermer dans son auberge, à Tonnerre, un agent du comité de Salut public pour pouvoir faire évader un citoyen honorable qu’on allait arrêter, et eut le talent de faire passer pour fou et révoquer un commissaire dont les excès allaient déshonorer la République.

Cependant, la réaction thermidorienne menaça de l’envelopper dans ses proscriptions : Fourier échappa en rentrant dans sa sphère naturelle. La Convention venait de décréter la création de l’École normale, dont le noyau devait être formé de citoyens de tout àge désignés par les chefs-lieux de districts. Fourier, en défaveur à Auxerre, fut élu par le district de Saint-Florentin. Il fut aussitôt nommé maître de conférences ; mais l’Ecole, comme on sait, périt bientôt de froid, de misère et de faim. Fourier, toutefois, avait eu le temps de s’y faire remarquer ; aussi fut-il appelé par Monge à l’Ecole polytechnique dès sa fondation. Il n’y entra d’abord que comme simple surveillant des leçons de fortification ; mais il fut bientôt après chargé du cours d’analyse, qu’il a professé avec un éclat dont le souvenir s’est longtemps perpétué à l’Ecole.

En 1798, Fourier résigna ses fonctions de professeur pour suivre Monge et Berthollet en Égypte. Le hasard le plaça sur le bâtiment qui portait Kléber, et les liens d’une amitié inaltérable se formèrent aussitôt entre eux. « Cette amitié, dit Arago, n’a pas été sans influence sur les quelques événements heureux qui suivirent d’abord le départ de Napoléon. »

Nommé membre de l’Institut d’Égypte à sa création, Fourier fut aussitôt appelé par l’unanimité de ses collègues à la place de secrétaire perpétuel et prit la part la plus active à tous les travaux de la nouvelle Académie des sciences. La Décade et le Courrier de l’Égypte contiennent de lui : un Mémoire sur la résolution générale des équations algébriques, des Recherches sur les méthodes d’élimination, la Démonstration d’un nouveau théorème d’algèbre, un Mémoire sur l’analyse indéterminée, des Etudes sur la mécanique générale, un grand nombre de Mémoires sur les monuments anciens de l’Égypte, sur les oasis, sur les recherches statistiques à entreprendre, sur des explorations à tenter, enfin, des études historiques sur les révolutions de l’Égypte. En même temps, Fourier participait avec ses collègues à l’établissement des fabriques d’acier, d’armes, de poudre, de draps, de machines de toutes sortes, que notre armée eut à improviser en quelque sorte dans ces contrées si éloignées de la mère patrie.

Commissaire français auprès du divan du Caire, Fourier, par son aménité et son esprit de justice, prit bientôt sur la population indigène un ascendant incroyable, où le général en chef puisa souvent d’utiles secours ; les missions diplomatiques dont il fut chargé à plusieurs reprises ne lui font pas moins d’honneur : c’est lui qui conclut avec la célèbre Sitty Nifiçah le traité d’alliance offensive et défensive qui lia Mourad-Bey aux destinées de la France et dicta aux révoltés du Caire, au milieu de la mêlée, les conditions de leur reddition.

L’armée française, saisie de stupeur à l’assassinat de Kléber, avait voulu réagir énergiquement en donnant à ses funérailles une solennité inusitée. Ce fut Fourier qui fut chargé de la périlleuse mission d’opposer au fanatisme musulman la glorification du nom français. Peu de temps après, il reprenait la parole devant l’armée française et la population du Caire pour célébrer les vertus de Desaix, à qui les Egyptiens avaient donné le glorieux surnom de Sultan juste.

Fourier ne quitta l’Égypte qu’après la capitulation signée par le général Menou. Il avait eu l’idée de rassembler dans une grande publication tous les documents recueillis par l’expédition. Ses collègues de l’Institut du Caire le désignèrent pour présider à la réunion des éléments de ce grand ouvrage et en rédiger le discours préliminaire. Nommé préfet de l’Isère en janvier 1802, Fourier conserva cette place jusqu’en 1815 ; il s’y occupa d’abord de rapprocher les différents partis, et s’y fit bientôt après le promoteur et le directeur de la vaste entreprise du dessèchement des marais de Bourgoin, qui rendit la santé aux habitants de plus de quarante communes, en donnant en même temps de nouvelles terres à l’agriculture. Les fonctions administratives ne le détournaient pas entièrement de sa première voie : c’est de Grenoble, en effet, qu’il dirigea la publication du Mémorial de l’expédition d’Égypte : et c’est là aussi que, au milieu des occupations de sa charge, il jeta les premières bases du grand et bel ouvrage sur la Théorie de la chaleur, qui a fait son nom immortel. Il avait déjà, dans un intéressant Mémoire publié en 1807, démontré, comme conséquence de l’équilibre de tempé-