Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/561

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d’après lui, me le fit lire tout haut, souligna quelques passages de sa propre main, me le donna, et, me poussant doucement hors de la chambre en souriant, il me dit d’aller chez le gouverneur, et de lui dire que telles étaient ses intentions.

Le papier contenait ce qui suit :

« Il me revient que, dans la conversation qui a eu lieu entre le général Lowe et plusieurs de ces messieurs, il s’est dit, sur ma position, des choses qui ne sont pas conformes à mes pensées.

« J’ai abdiqué dans les mains des représentants de la nation française et au profit de mon fils, je me suis rendu avec confiance en Angleterre pour y vivre, là, ou en Amérique, dans la plus profonde retraite et sous le nom d’un colonel tué a mes côtés, résolu de rester étranger à toute affaire politique, de quelque nature qu’elle pût être.

« Arrivé à bord du Northumberland, on me dit que je suis prisonnier de guerre, qu’on me transporte au delà de la ligne, et que je m’appelle le général Bonaparte. Je dus reprendre ostensiblement mon titre d’empereur, en opposition au titre de général Bonaparte qu’on voulait m’imposer.

« Il y a sept ou huit mois que le comte Montholon proposa de prévenir les petites difficultés qui naissent à chaque instant, en adoptant pour moi un nom ordinaire. L’amiral crut devoir écrire à Londres : cela en reste là.

« On me donne aujourd’hui un nom qui a cet avantage, qu’il ne rappelle pas le passé, mais qui n’est pas dans les formes de la société. Je suis toujours disposé à prendre un nom qui entre dans l’usage ordinaire, et je réitère que, quand on jugera à propos de me faire sortir de ce cruel séjour, je suis dans la volonté de rester étranger à la politique, quelque chose qui se passe dans le monde.

« Voilà ma pensée ; toute autre qui aurait été dite sur celle matière ne la ferait pas connaître. »

J’allai sans délai à Plantation-House ; le gouverneur trouva celle dépêche importante. Il en fut surpris, et me répondit en disant que cette proposition méritait un examen. Cependant, quelques instants après, il écrivit, et me remit les lignes suivantes : « Le gouverneur fera, sans perdre de temps, tenir au gouvernement britannique le papier qui lui a été remis aujourd’hui par le docteur O’Méara. il pense qu’il serait plus convenable qu’il fût signé par la personne au nom de laquelle il lui a été présenté. Le gouverneur ne prétend pas cependant pour cela jeter le moindre doute sur la validité ou l’authenticité de cet écrit.