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à la douceur. On devinait que s’il n’eût été un saint, sa fermeté serait devenue aisément de la tyrannie, et sa plaisanterie du sarcasme. Mais la grâce avait tout corrigé.

« On pouvait le contredire surtout ; il savait mettre tout le monde à l’aise, et ses lettres à ses missionnaires contenaient toujours quelque mot d’affectueuse tendresse. Sa modestie était portée à un excès qui nous faisait quelquefois sourire, et dont le bon évêque riait le premier, mais sans en rien rabattre. Quant à sa nourriture, lorsqu’il était seul, un peu de riz et quelques légumes, c’était tout. Il s’était interdit le vin de riz dans ses dernières années.

« Jamais ni la viande, ni le poisson, ni même les œufs ne paraissaient sur sa table, sinon quand il recevait quelqu’un de nous.

« Alors il faisait tous ses efforts pour bien traiter son hôte, et lui, qui ne mangeait jamais de pain quand il était seul, attendu que les Coréens n’en font point, prenait plaisir à pétrir lui-même quelques pains pour les offrir à un confrère qui venait le voir, ou les lui envoyer en province par quelque occasion.

« Un fait vous donnera la mesure de sa mortification : les cruelles douleurs de la pierre, dont il souffrait habituellement, ne lui faisaient interrompre son travail que quand il était gisant à terre presque à l’agonie. Je l’ai vu passer vingt-quatre heures de suite au confessionnal, et comme je me permettais de le gronder :

« Que voulez-vous ! me répondait-il, ces douleurs m’empêchent de dormir. »

Mgr Berneux était entré en Corée accompagné de deux jeunes missionnaires, MM. Alexandre Petitnicolas, de Saint-Dié, et Antoine Pourthié, du diocèse d’Albi. Après avoir tout préparé pour ce voyage court, mais dangereux, sur la mer Jaune et leur entrée dans leur mission, les trois apôtres s’embarquèrent, le 17 janvier 1856, sur une jonque chinoise, qui devait les transporter en vue des côtes de la Corée, pour s’y rencontrer avec une barque de bateliers chrétiens.

Laissons M. Pourthié décrire agréablement les incidents de ce