Page:Launay, Dallet - La Corée et les missionnaires, 1901.pdf/70

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du jeu est de laisser croire au patient, à diverses reprises, qu’il n’y a plus personne pour le tourmenter, et quand il s’est lavé, raclé, nettoyé, pour la dixième ou quinzième fois, d’introduire de nouveaux personnages pour recommencer son supplice. Pendant tout ce temps, les allants et venants mangent, boivent et se régalent aux frais de leur victime, et s’il ne s’exécute pas généreusement, on le lie, on le frappe, on va même jusqu’à le suspendre en l’air, pour le forcer à délier les cordons de sa bourse. C’est seulement après cette farce grossière que son titre littéraire est reconnu valable dans la société.

Les examens militaires sont très différents des examens littéraires proprement dits. Les nobles de haute famille ne s’y présentent point, et si par hasard quelqu’un d’eux veut embrasser la carrière militaire, il trouve moyen d’obtenir un diplôme sans passer par la formalité du concours public. Les nobles pauvres et les gens du peuple sont les seuls prétendants.

L’examen porte surtout sur le tir de l’arc et les autres exercices militaires ; on y joint une composition littéraire insignifiante. Il n’y a qu’un seul degré nommé keup-tchiei. Celui qui l’obtient peut, s’il est noble et s’il a d’ailleurs du talent et des protections, prétendre à tous les grades de l’armée ; s’il n’est pas noble, il reste ordinairement avec son titre seul. Tout au plus lui donnera-t-on, après des années d’attente, une misérable place d’officier subalterne.

Au reste, quelle qu’ait pu être autrefois la valeur des examens et concours publics, il est certain que cette institution est aujourd’hui en pleine décadence. Les diplômes se donnent actuellement non pas aux plus savants et aux plus capables, mais aux plus riches, à ceux qui sont appuyés des plus puissants protecteurs. Le roi Ken-tsong commença de vendre publiquement les grades littéraires, aussi bien que les dignités et emplois, et depuis lors les ministres ont continué ce trafic à leur profit. Dans le principe, il y eut des protestations et des résistances ; aujourd’hui l’usage a prévalu et personne ne réclame. Au vu et au su de tous, les jeunes gens qui se présentent aux concours annuels achètent à des lettrés mercenaires des compositions toutes faites,