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TÊTES ET FIGURES

Peine inutile ! Tous les enfants dorment.

Les chiffons multicolores s’étalent ici et là ; on confronte les nuances, on les discute, et enfin on les assemble.

La poupée est là, étendue sur le dos, attendant patiemment qu’on finisse de la fagoter.

— Ce que Jeanne va être surprise et heureuse, murmure, entre deux enfilures, l’une des travailleuses.

Et les ciseaux de fonctionner, les fuseaux de se dévider et les aiguilles de courir dans les morceaux d’étoffe, sous l’impulsion d’un sentiment commun, cet incommensurable amour maternel que la bambine bégaie à sa première poupée, en attendant qu’il s’épanouisse dans toute son intensité dans l’œuvre de sa chair ou qu’il s’affirme sous une forme plus haute encore, envers les pauvres petits déshérités de père et mère…

Louisette en avait reçu une, elle aussi, une poupée, mais une poupée merveilleuse, haute comme ça, qui disait papa et maman, d’un ton suppliant, il est vrai, mais enfin, c’était son timbre à elle. Le fait est que lorsqu’on vient au monde, même dans le monde des poupées, d’instinct on subit l’impression d’un vide dans l’existence : au cours de celle-ci, il manquera toujours quelqu’un ou quelque chose ; alors on supplie. Comme quelqu’un l’a si heureusement dit quelque part : on entre, on crie ;