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TÊTES ET FIGURES

on crie, on sort. Ne dépense-t-on pas, d’ailleurs, le temps en courses, en démarches souvent pas très avouables, en sollicitations de toute nature, depuis le plus haut huppé jusqu’à l’être le plus abject parmi les hommes ? Les poupées ont cependant cet avantage sur les êtres humains : c’est que leurs besoins sont presque nuls et qu’elles peuvent se passer des gouvernements.

La poupée de Louisette, grâce à un mécanisme bien simple, ouvrait aussi de grands yeux, et les refermait, tout comme le moindre député ministériel au moment d’un vote, de grands yeux bleus, pleins de cette franchise, de cette candeur naïve, de cette sérénité, reflets de bonne conscience qui se font plus rares que jamais aujourd’hui chez les bipèdes de toutes les classes, hommes et femmes, mais qu’il est absolument indispensable à tous de rattraper, coûte que coûte, avant de quitter cette vallée de larmes.

Ce cadeau, gratuit, comme disent bien des annonceurs, dans les journaux de Québec notamment, lui était venu de la part d’un ami de sa famille, dès la Noël dernière, au matin.

Dire la joie délirante de Louisette, lorsque la poupée fut extraite de son carton, raconter les jouissances ineffables qu’elle lui causa ce jour-là et les jours suivants, n’est guère possible. Inutile ! la plume s’y refuse, et je n’essaye pas.