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TÊTES ET FIGURES

D’abord, après la première explosion d’admiration, il fallut choisir un nom à Mademoiselle la poupée. On hésita pendant quelque temps entre plusieurs. Une voisine avait bien proposé le nom de Nymphodore, mais on opta finalement pour celui de Gabrielle, nom d’une petite sœur décédée deux ans auparavant.

Alors, ce fut Gabrielle par-ci, Gabrielle par-là. De par la maison et chez les voisins, on n’entendit plus parler que de Gabrielle.

On lui confectionna un ber touf capitonné. Mais, fichtre du ber ! Gabrielle y reposait à peine, que Louisette la reprenait, sous tous les prétextes, pour rajuster un ruban, une papillotte, un pli de la robe, pour la dorloter afin de l’endormir, la châtier un peu, doucement, parcequ’elle était « cruelle » ou, en fin de compte, la montrer à tout venant.

Elle causait avec elle tout comme avec une grande personne, lui posait mille questions, en faisant elle-même les réponses, puis recommençait à la cajoler en chantonnant un air quelconque ou en lui disant de ces mille riens qui constituent l’éloquence des nourrices et prépare, dès le berceau, celle des futurs tribuns et suffragettes.

— Mais, dis donc, ma chère Louisette, lui observa un jour sa mère, tu parais bien t’amuser avec ta poupée. Il ne faut pas cependant oublier que tu avances en âge et que tu as au-