Page:Le Correspondant, recueil périodique, Tome L, Nouvelle série, Tome XIV, 1860.djvu/289

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Nous avons d’abord songé à faire disparaître ces incorrections ; mais nous avons craint, en modifiant l’expression, d’altérer la pensée, et nous nous sommes décidé à conserver la négligence du texte pour ne pas porter atteinte à sa rude énergie. Le lecteur en jugera.


Adveniat regnum tuum.


« Madame,


« C’est votre candeur, c’est votre franchise que j’aime que j’estime le plus en vous. Jugez si votre lettre a dû me surprendre. Ce sont ces qualités aimables qui me charmèrent en vous lorsque je fis votre connaissance, et qui m’induisirent à vous parler de religion. Tout, autour de vous, était fait pour m’imposer silence. Jugez donc, encore une fois, quel a dû être mon étonnement en recevant votre lettre. Voilà tout ce que j’ai à vous dire, madame, au sujet de l’opinion que vous présumez que j’ai de votre caractère. N’en parlons plus, et arrivons de suite à la partie sérieuse de votre lettre.

« Et d’abord, d’où vient ce trouble dans vos idées, qui vous agite tant, qui vous fatigue, dites-vous, au point d’altérer votre santé ? Ce serait donc là le triste résultat de nos entretiens. Au lieu du calme et de la paix que le sentiment nouveau réveillé en votre cœur avait dû vous procurer, ce sont des angoisses, des scrupules, presque des remords qu’il a causés. Cependant, dois-je m’en étonner ? C’est l’effet naturel de ce funeste état de choses qui envahit chez nous tous les cœurs et tous les esprits. Vous n’avez fait que céder à l’action des forces qui remuent tout ici, depuis les sommités les plus élevées de la société jusqu’à l’esclave qui n’existe que pour le plaisir de son maître.

« Comment, d’ailleurs, y auriez-vous résisté ? Les qualités qui vous distinguent de la foule doivent vous rendre encore plus accessible aux mauvaises influences de l’air que vous respirez, Le peu de choses qu’il m’a été permis de vous dire, pouvait-il fixer vos idées, au milieu de tout ce qui vous environne ? Pouvais-je purifier l’atmosphère que nous habitons ? J’ai dû prévoir la conséquence, je la prévoyais en effet. De là ces fréquentes réticences, si peu faites pour porter la conviction dans votre âme, et qui devaient naturellement vous égarer. Aussi, si je n’étais persuadé que, quelques peines que le sentiment religieux imparfaitement réveillé dans un cœur puisse lui causer, cela vaut encore mieux qu’un complet assoupissement, je n’aurais eu. qu’à me repentir de mon zèle. Mais ces nuages qui obscurcissent aujourd’hui votre ciel se dissiperont un jour, je l’es-