Page:Le Ménestrel - 1896 - n°34.pdf/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
LE MÉNESTREL

M. Goldmark, l’heureux auteur du Grillon du foyer, a commencé la composition d’un nouvel opéra dont M. Willner, le librettiste de l’œuvre nommée, lui a fourni les paroles.

M. Ignace Brüll a terminé la partition de son nouvel opéra Gloria. Cette œuvre, dont on nous dit beaucoup de bien, sera jouée au commencement de la prochaine saison à l’Opéra de Hambourg.

— On vient de terminer à Dresde une grande salle de concert qui manquait depuis longtemps à cette capitale. La nouvelle salle dont l’acoustique est excellente, contient 1.400 places et sera pourvue d’un orgue. Dès à présent plus de cent concerts y sont déjà annoncés pour la saison prochaine.

— À l’Exposition des Arts industriels de Dresde, les Wendes, un peuple de race slave qui était autrefois fort nombreux dans une partie du royaume actuel de Saxe et qui habitent encore en nombre de plus en plus restreint la province saxonne de Lusace, attirent l’attention non seulement des ethnographes, mais aussi des musiciens. Comme tous les peuples de race slave, les Wendes ont un talent inné pour la musique, et un concert qu’ils viennent de donner, a de nouveau affirmé leurs aptitudes pour la musique. On y a d’abord chanté, avec paroles slaves, de ravissantes mélodies populaires, tristes pour la plupart et dans le genre des dumkas russes, mais aussi quelques chansons gaies que la jeunesse accompagne de danses. Deux de ces chansons à danser : Stup dalej (Approche-toi) et Hanka ty sy moja (Sois à moi, Annette), chantées à capella avec une précision extraordinaire ont ravi le public qui ne comprenait naturellement pas le premier mot du texte. Puis les compositeurs nationaux ont produit leurs œuvres : K.-A. Kocor, Frejschlak et Krawec, un jeune compositeur qui fit en même temps fonction de chef d’orchestre et dont la symphonie nationale Aux bords de la Lubosta a eu beaucoup de succès. Les Wendes donneront peut-être un jour quelque œuvre musicale d’intérêt général comme les Tchèques qui ont trouvé en Smetana et Dvorak des compositeurs connus bien au delà des frontières de leur patrie.

— À l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Franz Liszt le Journal de Weimar propose l’érection d’une statue du maître à Weimar, où se trouve déjà un musée destiné à perpétuer son souvenir. Les innombrables élèves de Liszt qui lui doivent tant et dont plusieurs, comme Mme Sophie Menter, la châtelaine d’Itter, ont fait de grandes fortunes, ne devraient-ils pas à eux seuls, s’acquitter de cette dette de reconnaissance ? Contre le choix de Weimar les Hongrois réclameront peut-être, bien qu’ils aient déjà une statue de Liszt, placée devant l’Opéra royal de Budapesth ; mais l’Allemagne a certes des droits incontestables sur l’œuvre du maître. Ce qui est le plus étonnant c’est que ni Richard Wagner ni Franz Liszt ne possèdent encore de monument en Allemagne. On se moque souvent des Français qui ont, dit-on, le marbre et le bronze facile ; après tout, il vaut mieux qu’un seigneur de moindre importance dans le royaume des arts et des lettres obtienne sa petite statue ou son buste que de ne pas payer ce tribut à un maître véritable.

Bn.

— La ville de Leipzig va célébrer le centième anniversaire de son théâtre municipal. Jusqu’en 1725, la Compagnie du théâtre royal de Dresde avait possédé le privilège de jouer aussi à Leipzig. Ce n’est qu’en 1796 que la ville obtint le droit, moyennant une redevance annuelle de cinq cents thalers, d’avoir un théâtre à elle. Le théâtre actuel, un des plus beaux d’Allemagne, n’est pas le même que celui qui existait en 1796.

— La société allemande d’acteurs et autres travailleurs de théâtre qui a été fondée à Weimar en 1871, va célébrer le vingt-cinquième anniversaire de son existence.

— À l’Opéra impérial de Vienne, qui a rouvert le 15 de ce mois, Mlle Emma Teleky, du Théâtre-Royal de Dresde, vient d’être engagée. La jeune artiste, élève, à Vienne, du baron Victor Rokitansky, dont nous avons annoncé dernièrement le décès, a fait déjà une carrière assez brillante. On pourra donc reprendre, à Vienne, Hamlet qui manquait d’une Ophélie convenable et maint autre opéra nécessitant la présence d’une chanteuse légère di primo cartello.

— Le Carlthéâtre de Vienne prépare un nouvel opéra-comique les Sorciers de Nil, musique de M. Victor Herberth.

— On vient de trouver chez Mme Mayerhofer, à Vienne, trois lieder inconnus de Franz Schubert. Nous ne sommes pas encore renseignés sur la valeur artistique de cette trouvaille, mais nous nous rappelons que Mayerhofer, poète viennois insignifiant, a été lié avec Schubert qui a mis en musique plusieurs poésies médiocres de son ami. La propriétaire actuelle des autographes de Schubert est une petite-fille du poète. Il ne faut nullement s’étonner de ce qu’on trouve encore des œuvres inconnues de Schubert, car sa fécondité n’a été égalée que par sa facilité.

— L’Opéra royal de Budapest était menacé, il y a quelques jours, d’une grève des membres de l’orchestre. On leur avait promis, pour la durée de l’exposition, une augmentation d’appointements de 20 %, mais on ne leur avait donné qu’un supplément de 10 %, sous prétexte que le théâtre faisait de mauvaises affaires. Les membres de l’orchestre ont alors adressé une requête au surintendant général, M. le baron Nopcsa, pour réclamer leur dû et pour annoncer leur retraite au cas où l’Opéra ne tiendrait pas ses promesses. Grâce à l’intervention du surintendant général, l’orchestre obtient satisfaction et la grève n’eut pas lieu.

— On a inauguré à Budapest un nouveau théâtre exclusivement destiné à la comédie jouée en langue hongroise. La nouvelle salle, qui est fort jolie, contient 1850 places, dont 600 à l’orchestre et 46 loges.

— Le théâtre municipal de Cracovie vient de jouer avec succès un opéra inédit Goplana, paroles de M. German, musique de M. Stanislas Zelenski.

— Le classique veilleur de nuit est mort un peu partout, sauf cependant en Espagne, où le brave sereno se promène encore nuitamment dans les rues et ouvre les portes aux retardataires qui ont oublié la clé de leur maison. Nous ne connaissons plus que par l’opéra ce fonctionnaire dont l’importance fut grande dans le temps. Le couvre-feu dans les Huguenots et la fameuse algarade des voisins de Hans Sachs dans les Maîtres chanteurs, où l’apparition du veilleur de nuit produit un effet vraiment poétique, nous conservent encore ce type de fonctionnarisme. En Allemagne et en Autriche, les veilleurs de nuit qui se promenaient, jusqu’en 1848, armés d’une hallebarde, d’un cor et d’une lanterne, avaient l’habitude de chanter après chaque heure, une petite chanson dont le texte et la mélodie, très différents selon la localité, étaient souvent de leur propre invention. Ces chansons avaient quelquefois une certaine valeur poétique et les amateurs de la poésie populaire ont vivement regretté leur disparition. Or, M. Joseph Wichner, à Krems-sur-le-Danube, entreprend une collection des anciennes chansons et mélodies des veilleurs de nuit en Autriche et en Allemagne et espère pouvoir publier bientôt les résultats de ses recherches. Cette publication ne manquera certes pas d’intérêt.

— L’acte constituant le comte de Grey, M. H.-V. Higgins et M. Maurice Grau, le directeur américain bien connu, propriétaires et administrateurs du Royal Italian Opera de Covent-Garden, à Londres, vient d’être enregistré. Le capital est de 377.000 francs, divisé en 150 actions ordinaires de 2.500 francs et 100 actions de 25 francs chacune.

— Le Royal College of Music de Manchester a remplacé sir Charles Hallé, premier professeur de piano, par M. William Dayas, compositeur et pianiste.

— Au Novelty Théâtre de Londres, il vient de se passer un drame aussi terrible qu’inexplicable. Dans un mélodrame, les Péchés de la nuit, un acteur, M. Temple E. Crozier, qui devait être tué à la fin par son collègue M. Wilfred M. Francks, a reçu un véritable coup de poignard en pleine poitrine et a succombé sur la scène après avoir proféré un cri que le public a vigoureusement applaudi à cause de son effet naturaliste. La victime, âgé de 24 ans seulement, vivait en parfaite intelligence avec son malheureux collègue dont il était le meilleur ami et ils n’avaient jamais eu la moindre dispute. Les acteurs qui se trouvaient sur la scène, ne remarquèrent pas tout d’abord que Crozier était mortellement frapé. Comme il ne se relevait pas, le régisseur s’approcha de lui et remarqua que le sang couvrait une partie de son costume. Tous les efforts pour rappeler à la vie le malheureux jeune homme furent inutiles. Le jury qui devait se prononcer, selon la loi anglaise, sur les causes de la mort, n’a pas pu démêler comment le coup fatal s’est produit ; mais il fut constaté que même à la répétition générale M. Franks n’avait pas eu entre les mains le poignard et avait seulement indiqué le coup. M. Franks a été traduit devant un jury, et il a été décidé qu’il ne serait pas poursuivi. Cet accident terrible prouve une fois de plus qu’au théâtre il ne faut pas pousser trop loin le « vérisme », comme disent les Italiens, et qu’on ne peut jamais trop soigner les « accessoires » aux répétitions.

— Sir William Robinson, le compositeur de l’opéra, la Fille du brigand, vient de terminer un nouvel opéra la Fille brune, paroles de M. Newton. Cette œuvre sera représentée à Londres, au commencement de la saison prochaine.

— La bicyclette, qu’on met maintenant à toute sauce est sérieusement recommandée en Angleterre aux jeunes élèves du chant. Un professeur de chant assez connu à Londres, vient de faire une conférence à Saint-James Hall pour exposer ses idées sur l’influence de la bicyclette sur la voix et a présenté à la nombreuse assistance plusieurs de ses meilleures élèves auxquelles la bicyclette avait énormément profité. Une d’elles avait considérablement augmenté l’étendue de sa voix par l’usage de la pédale et une autre, qui avait dû abandonner cette machine à la mode, avait tellement vu s’augmenter la capacité de ses poumons en prenant des leçons de chant qu’elle pouvait actuellement faire des courses considérables à bicyclette et même gravir des pentes assez dures. Nous avouons que cette conférence nous semble être une réclame bien sentie pour les fabricants de bicyclette et pour les faiseuses de chanteurs ou de chanteuses.

— Le « Cercle artistique musical » de Barcelone a organisé un concours pour la composition d’une cantate pour quatre soli, chœur et orchestre (prix : 500 francs), d’une suite d’orchestre en quatre mouvements (prix : 400 francs), d’une messe en l’honneur de sainte Cécile (prix : 300 francs) et de six mélodies pour chant et accompagnement de piano (prix : 200 fr.) Le concours est international et les paroles peuvent être écrites dans n’im-