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et d’infortune, ils y trouvent un refuge assuré, de même que ceux qui ont été inaptes au mariage. Le foyer des familles-souches remplit ainsi une fonction que l’assistance publique supplée très imparfaitement[1].

Les pays où ces mœurs se sont conservées, et avec elles les habitudes de transmission intégrale, offrent sous ce rapport un frappant contraste avec les localités où l’organisation de la famille s’est façonnée sur le Partage forcé. Dans ces dernières localités, non seulement il n’y a pas de foyer commun pour la famille, mais même les vieux parents sont abandonnés dans leur vieillesse. Aucun de leurs enfants ne veut être héritier-associé et les aider à cultiver leur bien, car tous savent que leurs frères et sœurs profiteraient à leur détriment du fruit de leur travail[2].

Dans les familles-souches, au contraire, l’hé-

  1. Le sentiment des cadets des familles-souches sur ce point s’accuse par un fait signalé dans plusieurs localités, et notamment dans les montagnes de la Drôme. Quand le père est mort sans tester, souvent les enfants attribuent d’eux-mêmes la quotité disponible à l’aîné, tant la conservation du foyer importe à tous.
  2. Dans les pays où il y a encore opposition entre la Coutume ancienne et l’application du Code, l’insuffisance de la quotité disponible se démontre par la pratique à chaque instant. Ainsi, dans les départements des Alpes, le père de famille est obligé de soutenir une lutte avec l’enfant qu’il veut charger de conserver le foyer, même en lui donnant par préciput tout ce qui est permis, tant la situation qui lui est faite est difficile. (Voir Bulletin de la Société d’économie sociale), t. II, 1868, p. 319, discours de M. Ch. de Ribbe.)