Page:Le Play, L’Organisation De La Famille, 1884.djvu/90

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formaient, à l’origine, la propriété exclusive du seigneur. Vers la fin du XIIIe siècle, plusieurs

    rares. Les autres manquent complètement, et elles n’ont été remplacées par de nouveaux avantages que pour une faible minorité. Pour accomplir la réforme que chacun réclame aujourd’hui, nous devons donc avant tout, sous la direction des érudits, apprendre à respecter les sentiments, les coutumes et les lois qui florissaient il y a six siècle, et qui, en 1556, faisaient encore repousser par les peuples toute idée de changement. La plupart des mobiles qui, au XIIe siècle, faisaient le bonheur des communes, auraient aujourd’hui la même efficacité. Il suffit, pour s’en convaincre, d’arrêter sa pensée sur les faits suivants.

    L’esprit chrétien qui portait l’archevêque Guillaume à réduire ses revenus pour augmenter le bien-être de ses sujets n’intervient guère maintenant dans les questions qui se débattent entre le fisc et les contribuables. Les conseils municipaux ne pensaient pas qu’une famille put se constituer dans la commune sans posséder en propre une maison et une parcelle de terre, tandis que ceux de nos grandes villes admettent, sous le régime des locations, les individualités les plus dégradées et les plus dangereuses du monde entier. Grâce à l’admirable organisation qui rejetait le poids du service militaire sur le possesseur, noble ou vilain, d’un fief concédé par l’archevêque, les familles étaient exemptes de ce service quand il n’y avait pas lieu de défendre le bourg et sa banlieue. Cependant les bourgeois de Beaumont étaient de courageux patriotes : en 1424, alliés à ceux de Mouzon, ils résistèrent avec un succès complet au roi d’Angleterre, qui, sous le titre de roi de France, commandait a Reims et dans la majeure partie de la Champagne. Les peuples étaient également exempts de tous les impôts, directs ou indirects, qui pèsent aujourd’hui sur l’exercice des métiers ou sur la fabrication, le commerce et la consommation de certains produits.

    Après le respect de la loi morale, le principal élément de succès était, à Beaumont comme dans tous les lieux où j’ai vu prospérer de nos jours le régime féodal, l’étendue des territoires non appropriés à la culture. Au XIIe siècle, le colon qui venait défricher un lot de la forêt seigneuriale avait la propriété du bois abattu, et, sauf la redevance stipulée par la Loy, l’usufruit perpétuel des champs et des prés créés par son travail. Il recevait d’ailleurs un concours de la communauté pour l’établissement de