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des communautés nouvelles avaient acquis la même indépendance que les anciennes ; elles ne payaient plus, à vrai dire, que des impôts, c’est-à-dire les frais des services de sécurité qui restaient à la charge du seigneur. Groupées d’abord en villages sous la protection du manoir seigneurial, certaines communautés conservèrent le type de la banlieue morcelée et de la famille instable, alors même que la sécurité était devenue complète. D’autres, au contraire, se livrant à des travaux opiniâtres dont on découvre aujourd’hui la trace, constituèrent la propriété libre et individuelle, sous le régime des domaines agglomérés et des familles-souches ; puis elles léguèrent à leurs descendants les bienfaits de cette organisation sociale, en s’inspirant des libres coutumes de transmission adoptées dès la plus haute antiquité dans les petits domaines du Lavedan, de la Normandie et des autres contrées à pâturages enclos (§ 9).

C’est ainsi que se formèrent les plus solides

    sa maison et de son jardin. L’état de choses que je viens de décrire résolvait aisément au moyen âge certaines questions qui exigeraient aujourd’hui, chez les intéressés, beaucoup d’intelligence, de force morale et de dévouement chrétien. Les grands propriétaires qui, au moyen âge, avaient le respect et l’affection de leurs tenanciers, n’étaient pas tous plus habiles ou plus généreux que ceux de notre temps ; mais ils pouvaient concéder à bas prix des forêts et des terres incultes qui n’existent plus aujourd’hui. Là se trouve encore le secret de l’harmonie sociale qui, sous des régimes fort divers, chez les Russes, les Américains du Nord et les colonies britanniques de l’Australie.