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Le uoyage des Princes


le a peur d’offencer, de crainte de perdre quel que parole, la voilà eſtendue, elle y lit d’vn cœur auide.

Ma vie, vn amant deſolé qui ne s’arreſteroit que au ſentiment de ſa douleur, diroit auec paſſion, Pleut à Dieu que mes yeux n’euſſent iamais rencontré ceux de ma Maitreſſe, à fin que ie fuſſe en repos : car l’amour qui m’afflige, n’euſt point eu de puiſſance ſur mon cœur pour le troubler de tant de trauerſes, dont l’abſence l’afflige : Mais moyplus reſo lu en mes deſſeins, glorieux de l’eſtat de ma fortu me, ſeruant l’vnique entre celles qui ſont de merite, ie benis l’heure de voſtre rencontre, n’ayant autre regret que n’auoir eu pluſtoſt ce bien. Si ie ſuis affligé pour eſtre abſent de monſoleil, ce m’eſt teſmoigna ge de felicité prochaine, pour ce que retournant voir ceſte lumiere, ie reſſentiray tant de contentement, que les ennuis que ie ſouffre ne ſeront plu eſtimez ains s’aneantiront auec la memoire d’iceux, comme flouettes nues, auſſi toſt diſſipees que formees : Tou tesfois quoy que ie me puiſſe imaginer, ma ſepara tion de voſtre preſence m’apporte tant d’ennuy, que la peine en eſt inſupportable, pource que me ra menteuant leſoulagement de mes penſees, lors que i’auois l’heur de viure heureuſement pres de vos yeux qui cauſent tant de belles differences en mesa greables paſſions, & m’en trouuant ſi eſloignè, i’ay tant d’affliction que i’eſtime la mort plus aiſeeàgou ſter, que ceſte langueur à ſupporter, vous ſeray-ie tant importun, ne changeray-ie point ce faſcheux diſcours ? croye ( ma belle, que ie ne puis feindre le ſuccez de ce qui me touche l’eſprit : 8t à qui eſt-ce que *e deſcouuriray les effets du feu de mon ame, qu’à