Page:Le journal de la jeunesse Volume I, 1873.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jambes chargées d'anneaux de cuivre ou d'ivoire. Elles ont. une bizarre et peu séduisante coutume, celle dé s'arracher les dents de la mâchoire supérieure. En outre, elles s'enivrent avec une boisson fermentée, le bogoloa, et bittent leurs maris. Ce dernier délit'ne reste pas sans répression sur la plainte du battu, sa moitié est condamnée a le charger sur son dos et à le porter à la maison au milieu des huées de la foule.

Livingstone, tout en fixant sa résidence a Linyanti, capitale des Makblolos, avait reconnu le Zambèse et fait dans les environs de nombreuses ct intéressantes excursions. Il résolut d'entreprendre un grand voyage a l'ouest jusqu'aux rives de l'Atlantique, trajet de plus de,quatre cents lieues à travers des territoires inconnus. Il choisit pour l'accompagner des indigènes Makololos, dans lesquels il avait une confiance qui fut pleinement justifiée. Il franchit le pays des Barotsé, et séjourna quelque temps dans celui de Londa, dont 'les habitants sont d'une politesse excessive. Veulent ils donner a un visiteur une grande marque de'considération, ils apportent dans un petit sac de cuir des cendres ou dé la terre de pipe, et s'en frottent la poitrine et le haut des bras. Au surplus, la plupart des petits monarques nègres accueillaient notre voyageur avec une courtoise et bienveillante curiosité. Il obtint une faveur bien enviée dessoudas ou Balondas, une audience dm'oi Chinté, qui le reçut en grande pompe, entouré de ses hauts dignitaires et de ses cent femmes, dont la principale, placée au premier rang, portait sur sa tèttC un curieux bonnet rouge. Des que l'auguste souverain ouvrait la bouche, les femmes entonnaient un chaint plaintif, tandis que trois tambours et quatre trompettes faisaient.un abominable'charivari, au grand ravissement de l'assistance.

Livingston fit voir la lanterne magique à Chinté, à ses courtisans et à ses femmes. Tout alla bien d'abord. Le premier tableau représontait le sacrifice d'Abraham La figure vénérable et la barbe blanche du patriarche obtinrent le plus grand succès; Abraham parut aux assistants beaucoup plus imposant que les idoles grotesques offertes a leur-adoration Journalière. Les femmes surtout n'avaient ni assez d'yeux, ni assez d'oreilles. Mais lorsque le docteur, remua la glace ou l'image était imprimée, et que le couteau qu'Abraham tenait levé sur son fils vint a se mouvoir en se dirigeant de leur côté, elles s'imaginèrent que c'étaient elles qui allaient etre égorgées à la place d'isaac. « Ma mère! ma mère! s'écrièrent-ils tout effarées; et, se jetant les unes sur les autres, elles sortirent pêle-mêle, tombèrent sur les petites huttes où'sont enfermées les idoles, sur lés plants de tabac, enSh brisèrent, foulèrent; écrasèrei7t ttiutsur leut'hassâgc; brisèrent, foulèrent; écrasèrent tout sur Icurpassa'ge il fut impossible de les réunir ~de nouveau. Quant a. Chinté, n'était resté bravement a son poste et; après la représentation; il examina'avec beaucoup d'intérêt la lanterne magique.

Dix jours après, Chiuté vint rendre visite a Livingstone, et, tirant de sou vêtement un collier, au-quel était suspendue l'extrémité d'un coquillage conique, il le lui passa, autour du cou. C'était probablement. quelque chose comme la grand'croix de l'ordre de Londa.

On leva le camp. Le voyage devint difficile, quand la caravane pénétra dans les territoires visités par les trafiquants portugais et les négriers. La défiance qu'inspiraient les voyageurs était extrême. A. l'approche du pacifique missionnaire, les femmes cou.raient se cacher dans leurs cabanes, et les petits nègres, épouvantes, étaient saisis de véritables convulsions. On arriva enfin a Saint-Paul de Loanda. L'aspect de l'océan remplit les Zambésiens d'un étonnement mêlé de terreur.

«Nous pensions,disaient-ils, que le monde n'a pns debornes, mais le monde nous dit tout a coup « C'est ici que je finis; au delà, je n'existe pas. »

Le retour s'effectua sans accident.

Livingstone ne se reposa pas longtemps. Quelques mois après, le 3 novembre 1855,il repartait pour une nouvelle expédition. Il s'agissait cette fois de gagner l'océan Indien. Il suivit presque sans interruption les bords du Zambése, salua du nom de Victoria, en loyal anglais, la magnifique cataracte que forme ce fleuve, et qui est la digne rivale du Niagara. II'visita plusieurs peuplades intéressantes, entre autres les Batoka et les Banya'f, possesseurs actuels du Monomotapa. L'apparition d'un Européen était pour les indigènes un objet de surprise extrême ils s'en~montraient émerveillés et quelque peu effrayés; du reste, leur politesse était encore plus raffinée que celle des Balondas.

« Pour exprimer leur satisfaction, dit Livingstonp, ils se jetaient sur le dos, se roulaient par terre, et se frappaient la partie extérieure des cuisses. Je m'égosillais~ leur crier: Finissez donc, je n'ai pas besoin de tout cela. Mais ils s'imaginaient que je ne me trouvais pas assez bien accueilli, et plus ils me voyaient mécontent, plus ils se roulaient avec fureur et se frappaient, les cuisses avec violence.

Le gouvernement des Banyaï est remarquable c'est une espèce de république féodale. Le cher ei-.t'électif. Mais il est d'usage que le nouveau monarque refuse d'abord l'honneur suprême qu'on veut lui faire; il en e~t indigne, il est inexpérimenté, incapable de rem"plir un poste aussi élevé. Il finit toujours par accepter. On yoif, que Ja comédie politique lie se joue pas seulement en Europe.

Livingstone est une amé loyale et juste, trés affectueuse pour tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur couleur; les indigènes Makololos l'adoraient;.leur fidélité, leur dévouement étaient,sans bornes aussi leur douleur fut-elle immense, quand, parvenu au bord de l'Océan, le docteur parla do'séparation; ils se jetèrent il ses pieds, le suppliant de les emmener dans son pays. Il n'y consentit point, craignant qu'ils ne jmssent supporter le climat humide de l'Angleterre. Il fit cependant une exception pour un des Zambésiens qui lui paraissait d'un tem-