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La lettre d’adieu



Chez une de ses amies, Henriette Daubrée fit la connaissance d’une dame qui venait d’obtenir l’autorisation d’aller passer quelques heures dans un château qu’elle possédait non loin du front.

Or, le village voisin de ce château était précisément celui où Henriette savait que le régiment de son mari, fortement éprouvé, prenait actuellement quelques semaines de repos.

L’autorisation étant valable pour deux personnes, cette dame et sa sœur, et la sœur se trouvant malade, il fut convenu qu’Henriette profiterait de l’occasion et ferait le voyage.

Les deux femmes partirent donc le lendemain matin et déjeunèrent à Meaux, sans qu’Henriette eût à subir le moindre désagrément. Aussitôt après, elles montèrent dans une diligence qui assurait tant bien que mal le service du village. Là, elles se séparèrent en prenant rendez-vous pour le soir, et Henriette, s’étant renseignée, marcha vers un groupe de fermes qu’occupait la sixième compagnie, celle où Richard Daubrée avait gagné ses galons de lieutenant.

Tout cela semblait à Henriette l’équipée la plus amusante. En venant auprès de son mari, elle n’obéissait à aucun de ces élans qui soulèvent une femme et la font accomplir des prouesses. Mariée depuis cinq ans, elle n’accordait, à son mari, qu’une affection assez indifférente. Il lui suffisait d’être fidèle pour estimer qu’elle remplissait tout son devoir.