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IV

Le coup de sifflet

La défaillance de Maxime ne dura qu’un instant. Toute de suite il sentit la nécessité de prendre une décision héroïque, laquelle en l’occurrence consistait à chercher du secours.

— Les pouvoirs publics sont là pour nous défendre, formula-t-il judicieusement.

— Le garde champêtre, par exemple, dit Nathalie, qui s’était dominée aussitôt et qu’amusait l’effarement de Maxime.

— Non, mais la maréchaussée ! Je prends l’auto et, de Cannes, je ramène une douzaine de gendarmes…

— Ce serait ridicule. On ne dérange pas douze gendarmes parce que l’on redoute une escalade de flibustiers, dans une villa où il y a deux domestiques et vous-même, Maxime.

— N’importe ! Il faut agir, cria-t-il. Nous ne pouvons pas rester comme cela ! Je vais alerter les voisins.

— Il n’y en a pas.

— J’en trouverai. Et puis, j’ameute les passants.

— Il n’y en a pas.

— J’en ferai venir ! Croyez-vous que je me laisserai égorger comme un mouton ? Mais, sacrebleu, quel pays ! On n’habite pas une villa assiégée par des pirates.

Il s’éloigna en courant vers le jardin.

Ellen-Rock et Nathalie demeurèrent seuls. L’ombre se mêlait au jour. À l’horizon, le ciel clair était rayé de longs nuages rouges, immobiles. Le bleu de la mer devenait noir.

Nathalie observait le baron d’Ellen-Rock, comme on observe quelqu’un de qui l’on attend des paroles et des actes, et elle s’étonnait de cet état d’esprit, elle qui avait l’habitude de se déterminer toujours par elle-même.

Il marchait silencieusement à travers la terrasse, par enjambées longues et lentes, et avec l’air de quelqu’un qui sait ce qu’il fait, malgré certains gestes distraits. Il avait allumé une cigarette qu’il jeta aussitôt, et il en alluma une autre qu’il lança également de l’autre côté du parapet. Puis, ayant consulté sa montre, il s’arrêta et dit, comme s’il donnait une conclusion à ses pensées :

— Il y a dans tout cela des coïncidences dont il sera absurde de