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Durant ces quelques semaines, le visage de l’Italienne avait perdu de sa fraîcheur et de son éclat. Les yeux brillaient plus durement. La mise était plus pauvre et moins soignée. Elle avait un air d’égarement, presque de démence.

— Ah ! dit-elle, si les autres se doutaient de quelque chose, mon compte serait vite réglé. Ils sont capables de tout. Tenez, un moment, j’ai cru que c’était du poison qu’on voulait vous donner, mademoiselle. Une fois j’ai vu quelqu’un qui est tombé raide mort avec une drogue de leur composition. Ah ! les misérables…

— Allons, Pasquarella, fit Ellen-Rock, tu es sous ma protection. Ni Ludovic, ni Boniface ne pourront rien savoir, et ne sauront rien. D’ailleurs, es-tu sûre qu’ils sont ici ?

— Boniface va venir.

— Ludovic ?

— Il est employé à l’hôtel.

— Et Jéricho ?

— Ne m’interrogez pas encore. Je vais vous dire ce que je sais… ce que j’ai appris sur Boniface et sur Jéricho depuis notre voyage en Sicile.



IV

L’ombre de la vérité

Elle ne parla qu’un peu de temps après. L’inquiétude la tenait encore, et elle écoutait comme si elle se fût attendue à ce qu’une porte s’ouvrît, subitement. Il y avait en elle l’habitude, le pli de la peur.

Cependant, elle finit par se dominer et s’exprima d’une voix haletante, où l’on sentait toute la détresse et toutes les terreurs des quelques semaines qu’elle venait de passer.

— Si je n’ai pas voulu vous accompagner au retour, c’est que je redoutais une imprudence. À plusieurs, on attire l’attention, quoi qu’on fasse, et je ne voulais pas être mêlée à vos recherches. Pour cela il fallait agir seule. Je ne doutais pas qu’après l’attaque de Mirador et après votre disparition Boniface ne recommençât à vous poursuivre, mademoiselle. Or, vous êtes de ces personnes qui ne peuvent pas passer inaperçues. Inévitablement, votre arrivée à Paris serait notée dans les journaux, ainsi que le nom de votre hôtel. Donc Boniface et Ludovic accourraient et,